Le FN veut saisir sa chance avec le monde paysan

Marine Le Pen sera à nouveau au Salon de l'agriculture mardi.
Marine Le Pen sera à nouveau au Salon de l'agriculture mardi. © Reuters
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OPÉRATION SÉDUCTION - Les agriculteurs se sont longtemps éloignés de l'extrême droite. Mais ça, c'était avant…

Le rendez-vous. Depuis 2005, Marine Le Pen n'a raté aucun Salon de l'agriculture. La présidente du Front national y sera de nouveau mardi. Ce haut lieu de l'agriculture et de la communication politique est un rendez-vous difficilement contournable en cette période de campagne municipalo-européennes. D'autant qu'aujourd'hui, le FN a une chance de se faire entendre du monde paysan.

"Il y a un potentiel dans cette catégorie d'électeurs", ne cache pas Nicolas Bay, directeur de la campagne des municipales pour le FN, contacté par Europe1.fr. Présence au Salon de l'agriculture, soutien envers les manifs anti écotaxe, création d'un délégué FN chargé d'étudier le monde rural, lancement du site France-ruralité.fr: la stratégie du FN pour récupérer les voix paysannes est rodée. Pourtant, cet électorat "potentiel" ne l'a pas toujours été. Décryptage.

Les paysans ont longtemps fui les extrêmes. Historiquement, les paysans votent à droite. Mais ils ne votent pas pour les extrêmes. Selon l'ifop, entre 1999 et 2009, entre 30% et 42% des agriculteurs se tournaient vers le RPR ou l'UMP, contre 5% à 9%, en moyenne, pour le FN. Et en avril 2012, Nicolas Sarkozy a encore réuni 44% des électeurs du secteur lors du premier tour de la présidentielle. "On ne sent pas de montée du vote FN chez les agriculteurs. Marine Le Pen nous drague mais il y a un amalgame : elle gagne des voix dans la France rurale profonde, pas nécessairement chez les agriculteurs", assure ainsi Christiane Lambert, vice-présidente de la FNSEA, syndicat majoritaire du secteur.

le pen saucisson

"Nous sommes d'accord avec le FN sur des sujets comme les lourdeurs de l'administration. Mais sûrement pas avec son côté anti-européen primaire. Il ne faut pas oublier qu'une grande partie des exportations des agriculteurs français vont en Europe", poursuit la syndicaliste, contactée par Europe1.fr. Et d'asséner : "lorsque Marine Le Pen se déplace en Bretagne pour récupérer les manifestations contre l'écotaxe, les gens ne sont pas dupes. Ils savent que c'est de la frime, pour récupérer des voix. Et cela exaspère plus qu'autre chose".

Mais ils le font beaucoup moins... Pourtant, la roue du tracteur semble bien commencer à tourner. Lors de la dernière présidentielle, Marine Le Pen a recueilli 19,5% de voix dans le monde paysan, soit 1,5 point de plus que sa moyenne nationale, la plaçant en seconde place derrière Nicolas Sarkozy, selon une étude ifop sur le vote agricole parue début février 2014. "Il y a une progression du vote FN dans l'ensemble du monde rural, mais il y en a aussi clairement dans le monde agricole en particulier", estime ainsi Joël Gombin, chercheur en sciences politiques spécialisé dans l'extrême droite.

le pen, salon de l'agriculture

Et "Marine le Pen n'est pas la raison principale de ce changement", estime le spécialiste. En 2002 en effet, 22% des agriculteurs ont voté pour Jean-Marie Le Pen. Un succès ponctuel, puisqu'en 2007, le FN n'avait recueilli que 11% des voix paysannes. Mais qui prouve bien que le verrou avait déjà sauté.

Un recentrage sur les valeurs. "Cela n'a pas toujours été le cas mais aujourd'hui, les agriculteurs se sentent menacés par les ravages du mondialisme ultralibéral", avance Nicolas Bay, secrétaire adjoint du FN, en guise d'explication. "Cette catégorie a du mal à se faire entendre. Ils ont cru à l'UMP et maintenant ils sont déçus et commencent à être attirés par nos propositions", assure-t-il. Selon le politologue Joël Gombin, en revanche, ce n'est pas tant la peur des "ravages du mondialisme ultralibéral" qu'un recentrage des électeurs paysans sur des valeurs morales qui ont entraîné ce changement de vote. "Des valeurs comme le travail et la lutte contre l'assistanat ont pu rapprocher les agriculteurs du FN", estime-t-il.

>>> Comme le montre ce tableau de l'ifop de 2010, le profil des agriculteurs se rapprochent en effet des idées frontistes :

Ifop

Le "paradoxe" du vote FN. Et ce recentrage sur les valeurs morales aux dépens des idées économiques n'est pas lié au hasard. "Le niveau d'éducation des agriculteurs s'est élevé. Ils votent donc désormais davantage en fonction de leurs valeurs et se sont progressivement éloignés des organisations syndicales, qui encadraient historiquement leur vote vers la droite gaulliste. Celles-ci sont encore influentes, mais moins qu'avant", constate Joël Gombin. "C'est un paradoxe, une particularité du vote FN paysan. Contrairement aux autres catégories d'électeurs du Front national, chez les agriculteurs, ce sont les plus riches et les plus éduqués qui se tournent vers la droite radicale", assure le politologue.

Une hausse des adhésions ? Et le parti frontiste compte bien capitaliser sur ce nouvel électorat potentiel. "Pour les municipales, ce n'est pas facile à identifier. Les candidats des petites communes sont souvent 'sans étiquettes'. En revanche, pour les européennes, il y a un faisceau d'éléments qui nous fait être confiants", soutient Nicolas Bay. Le monsieur élection du FN assure même qu'il y a "une hausse particulièrement nette des adhésions au FN des agriculteurs, notamment dans l'Ouest, en Bretagne ou en Gironde", sans toutefois pouvoir avancer de chiffres.

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