Le FN au second tour, 30 ans de casse-tête pour la droite

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Louis Hausalter
RÉTRO - Alliances, front républicain ou "ni-ni" ? Ces stratégies ont été successivement adoptées par les dirigeants du RPR puis de l'UMP. Pas toujours avec succès.

C'est un serpent de mer. Et il a refait surface dimanche, avec l'élimination du candidat UMP au premier tour de l'élection législative partielle du Doubs. Depuis, l'UMP se divise sur la conduite à adopter : prôner le "ni FN ni PS", ou appeler à voter pour le candidat socialiste ? Le casse-tête n'est pas nouveau. Cela fait même des décennies qu'il donne lieu à des querelles au sein du parti de droite. Petite rétrospective.

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Chirac 1983 AFP 1280

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En 1983, l'alliance RPR-FN qui ne choque pas. La question a logiquement émergé en même temps que le vote Front national, au début des années 1980. Aux élections municipales de 1983, le candidat RPR à Dreux, en Eure-et-Loir, est élu en fusionnant sa liste avec celle du FN. A l'époque, peu à droite s'en émeuvent. "Cela n'a aucune espèce d'importance d’avoir quatre pèlerins du FN à Dreux, comparé aux quatre communistes au Conseil des ministres", balaiera même Jacques Chirac, alors président du RPR, selon des propos rapportés dans un livre de Franz-Olivier Giesbert.

Les débuts du "cordon sanitaire". Chirac s'inquiétera bien plus lorsque, en 1986, 35 députés FN font leur entrée à l'Assemblée nationale à la faveur du scrutin proportionnel instauré par François Mitterrand. Le RPR hésite. La technique du "cordon sanitaire" est alors théorisée : il s'agit d'empêcher la progression d'un Front national qui risque de tailler des croupières au RPR à droite. Mais d'un autre côté, certains élus continuent à conclure des alliances locales avec le FN. C'est notamment le cas de Jean-Claude Gaudin, qui s'appuie sur les frontistes pour conquérir la région PACA en 1986.

Juppé 1990 AFP 1280

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Quand Juppé prônait le "ni-ni". Mais après la réélection de François Mitterrand en 1988, le vaincu Jacques Chirac hausse le ton. Plus question de s'allier avec qui que ce soit. C'est l'adoption du "ni-ni". Le secrétaire général du RPR, Alain Juppé, applique la consigne à la lettre. C'est ainsi que, lors d'une cantonale partielle à Villeurbanne, en 1990, il sanctionne le maire RPR de Grenoble, Alain Carignon, qui a appelé à voter PS pour faire barrager au FN. Argumentaire de Juppé : "nous voulons nous battre sous nos couleurs, nous n'avons rien de commun avec le Front national et nous n'avons pas du tout l'intention de faire la courte échelle au Parti socialiste".

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L'apogée du front républicain. Sous l'influence des chiraquiens, les alliances avec le FN n'auront donc pas cours dans les années 1990, sauf aux régionales de 1998, lorsque quatre présidents de région sont élus avec le soutien frontiste. La présidentielle de 2002 et le choc du 21 avril marquent l'apogée du "front républicain", qui permet à Jacques Chirac d'être réélu à l'Elysée avec un score de maréchal (82%).

En 2007, Nicolas Sarkozy parvient à siphonner l'électorat frontiste : Jean-Marie Le Pen ne réunit que 10% des suffrages. Le FN traverse alors une période creuse, et le front républicain ne fait alors pas débat à l'UMP. Il se fendillera lorsque le FN reprendra du poil de la bête, porté par la stratégie de "dédiabolisation" de Marine Le Pen, qui ne manque pas de pourfendre "l'UMPS" lorsque droite et gauche lui font barrage. La conséquence ne se fait pas attendre : aux élections cantonales de 2011, Nicolas Sarkozy ordonne l'application du "ni-ni".

Sarkozy Elysée AFP 1280

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Sarkozy et le "non-non". Repassée depuis dans l'opposition, l'UMP peine parler d'une seule voix sur le sujet. Partisan historique du front républicain, François Fillon sème le trouble lorsqu'il préconise en septembre 2013 de voter pour le candidat "le moins sectaire" en cas de duel PS-FN. Alain Juppé aussi a changé d'avis. Le maire de Bordeaux veut aujourd'hui "faire barrage au FN", alors qu'il préconisait le vote blanc en septembre 2013. Quant à Nicolas Sarkozy, il semble avoir également évolué sur la question. Mardi, devant les députés UMP, le président du parti a affirmé qu'il fallait dire "non au FN", mais "laisser les électeurs choisir". Non au FN et non aux consignes de vote : après le "ni-ni", Sarkozy inventerait-il le "non-non" ?

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