Le duo Macron-Poutine, entre rapport de force et pragmatisme

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Emmanuel Macron rendra visite à Vladimir Poutine jeudi. © STEPHANE DE SAKUTIN / POOL / AFP
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avec AFP , modifié à
Le président français sera jeudi en Russie pour rencontrer Vladimir Poutine. Entre les deux hommes, qui ont de nombreux points de désaccord, s'est instaurée une relation musclée teintée de pragmatisme.

Avec Donald Trump, Emmanuel Macron a choisi le registre de l'amitié virile, celle des interminables poignées de main, des grands sourires et des compliments. Le président français entretient une tout autre relation avec Vladimir Poutine, qu'il rencontre jeudi à Saint-Pétersbourg. Entre ces deux-là, le rapport de force est permanent. Ce qui les pousse l'un vers l'autre est d'abord le pragmatisme d'Emmanuel Macron, qui souhaite maintenir un dialogue avec Moscou en dépit des nombreux points de friction qui subsistent. Mais aussi une certaine forme de respect pour un chef d'État qui lui ressemble sur plusieurs aspects.

"Je le respecte. Je le connais. Je suis lucide." Emmanuel Macron a livré son ressenti sur Vladimir Poutine sans détour à Fox News, le 22 avril dernier. "C'est un homme très fort, un président fort", déclarait-il alors à la chaîne de télévision américaine. "Il est fort et intelligent, mais il n'est pas naïf. Je le respecte. Je le connais. Je suis lucide." Une lucidité qui doit permettre, selon l'Élysée au JDD, de "construire" une véritable relation franco-russe tout en gardant "les yeux ouverts". Sur les dossiers qui les opposent, comme la Syrie, l'Ukraine ou l'assassinat de l'ancien espion Skripal au Royaume-Uni, comme sur leurs désaccords politiques profonds (les deux ont une vision différente de ce que doit être une démocratie), Emmanuel Macron s'efforce de ne pas cesser toute discussion avec son homologue. Jeudi, le président français aura en plus l'avantage de pouvoir trouver un terrain d'entente avec Vladimir Poutine sur le retrait des États-Unis de l'accord iranien, que tous deux réprouvent.

Deux pays qui veulent retrouver la grandeur. Emmanuel Macron refuse donc de considérer la rupture avec la Russie comme une option. "Je veux arrimer la Russie à l'Europe et non la laisser se replier sur elle-même", expliquait-il au JDD début mai. Ce pragmatisme pur se double d'une certaine forme de respect pour Vladimir Poutine et son pays. "Il a été marqué par l'humiliation née des événements autour de la chute du Mur de Berlin et de l'URSS et a vécu cette période comme une blessure pour son peuple", disait encore Emmanuel Macron à l'hebdomadaire du dimanche. "Poutine a le rêve de redonner sa grandeur à la Russie."

" Je pense que Macron et Poutine peuvent très bien s'entendre. L'un et l'autre sont très cultivés, aiment l'histoire. "

Il n'est dès lors pas surprenant que le chef d'État français cherche à nouer des liens avec son homologue en exaltant l'histoire de la France. Lorsqu'il l'avait reçu, peu après son élection, c'est à Versailles qu'il l'avait accueilli en grande pompe, comme pour rappeler à Vladimir Poutine que la France, elle aussi, a été grande et aimerait bien le redevenir.

"Macron et Poutine peuvent bien s'entendre." S'il y a donc des points communs entre la France et la Russie sur lesquels le président français peut jouer, il en existe également entre les deux dirigeants. "Ils se ressemblent sur la volonté de réenchanter le rapport aux leaders politiques et de s'inscrire dans une longue durée de leur histoire", souligne Michel Eltchaninoff, philosophe et spécialiste de la Russie auprès de l'AFP. Alexandre Orlov, ancien ambassadeur russe en France, voit lui aussi quelques convergences. "Je pense que Macron et Poutine peuvent très bien s'entendre. L'un et l'autre sont très cultivés, aiment l'histoire", explique-t-il à l'AFP. "Ce serait tout à fait normal que Macron ait une meilleure relation avec Poutine que Trump, qui sont deux types tout à fait différents. Trump est un homme peu cultivé, violent, brutal."

"Jamais nous montrer faibles face à Poutine." Reste que Poutine, pour le moment, voit Macron comme "le représentant d'un Occident collectif", note un diplomate russe dans Le Monde. De là à ne le considérer que comme un vassal des États-Unis, il n'y a qu'un pas, qui se franchit aisément à Moscou. D'où la fermeté affichée par le président français, qui n'a pas hésité à critiquer ouvertement devant son homologue les antennes françaises des médias RT et Sputnik, financés par le Kremlin. "Nous ne devrions jamais nous montrer faibles face à Poutine", a prévenu Emmanuel Macron lorsqu'il était interrogé par Fox News. "Quand vous êtes faibles, il s'en sert." Ce qui explique que le chef de l'État ait toujours préféré des échanges musclés, mais francs avec le président russe, plutôt qu'une amitié surjouée comme celle qu'il affiche avec Donald Trump.