Laëtitia : "il y a eu 6 lois en 6 ans"

La diparition de Laëtitia
La diparition de Laëtitia © MAXPPP
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avec Alain Acco , modifié à
Magistrats et avocats dénoncent la politisation de l’affaire de Pornic par Nicolas Sarkozy.

"C’est comme à chaque fois, des mots, des mots des mots". Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats, ne décolère pas. Les déclarations faites par Nicolas Sarkozy mardi après-midi sur la disparition de la jeune Laëtitia, à Pornic, font vivement réagir le syndicaliste qui dénonce une politisation du fait divers, après l’arrestation de Tony Meilhon, un homme au passé judiciaire chargé, principal suspect dans l’affaire.

"Évidemment, tout le monde est ému"

Le chef de l’Etat a déclaré, mardi en début d’après-midi, qu’un "tel drame ne pouvait rester sans suite", affirmant que "la récidive criminelle n'est pas une fatalité". "Il faut attendre de voir, mais si c'est l'indicible, il faudra des décisions et pas des commissions de réflexion. Il y a eu trop de cas comme celui-ci", a-t-il poursuivi, en visite à Saint-Nazaire.

Un avis qui n'est pas partagé par Philippe Bilger, avocat général à la Cour de Paris. Selon lui, l'arsenal législatif en place est "suffisant, mais surabondant". Sur Europe 1, il a assuré que la justice "a tout ce qu’il faut", rappelant qu'il y a eu "six lois en six ans".

L'intégralité de son interview :

"Évidemment, tout le monde est ému (dans cette affaire). Il y a un crime, donc évidemment (Tony Meilhon) doit être puni", concède Christophe Régnard, sur Europe 1. Nicolas Sarkozy "dit qu’il faut une nouvelle loi, mais c’est la sixième en moins de cinq ans. Est-ce que ces lois étaient si mauvaises qu’il faille à nouveau les modifier", s’interroge le magistrat.

"Le problème n'est pas dans l'accumulation de texte qui manifestement ne peuvent pas être mis en oeuvre, concrètement sur le terrain. Les personnels pénitentiaires, éducatifs, judiciaires ne sont pas en mesure d'effectuer tous ces suivis. A tel point que certains services ont dû prioriser", explique à Europe 1 Matthieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature.

Des lois votées "systématiquement sans moyens"

Selon Christophe Régnard, les précédentes lois ont été "votées systématiquement sans moyens". "Nous n’avons pas de service d’insertion et de probation, pas assez de psychiatres, pas de moyens de suivre, pas assez de juges d’application des peines dans notre pays", détaille-t-il. "Monsieur Sarkozy peut continuer à aller soutenir les victimes de ces affaires et demander des lois, mais tant que nous n’aurons pas les moyens de les appliquer, la situation continuera", prévient le magistrat.

Et Philippe Bilger d'ajouter : "Il est évident que si on avait eu les moyens et bien il y aurait eu le suivi de" Tony Meilhon, assure-t-il. Le suivi, auquel était soumis par la justice le principal suspect dans la disparition de Laetitia Perrais, était lié à sa dernière condamnation, pour outrage et menaces à magistrat, a précisé lundi le ministère de la Justice. L'homme de 31 ans avait été condamné à un an de prison, dont six mois de sursis assortis d'une mise à l'épreuve, pour outrage et menaces à magistrat en 2009. Il a effectué sa peine de six mois ferme, et a donc fait l'objet d'un suivi après sa mise en liberté. "C'est là-dessus que l'inspection des services pénitentiaires a été saisie, pour voir dans quelles conditions se déroulait cette mise à l'épreuve", a précisé Bruno Badré, porte-parole de la Chancellerie.

Tony Meilhon avait par ailleurs été condamné en 2001 pour un viol commis en 1997, seule infraction sexuelle à son casier. Selon une source proche de l'enquête, ce viol a été commis sur un co-détenu. Le jeune homme était, en raison de cette condamnation, inscrit au Fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles (FIJAIS). Le principal suspect dans la disparition de la jeune fille de 18 ans a un lourd passé judiciaire, commencé avant sa majorité, avec, outre le viol de 1997, plusieurs faits de violences, menaces ou vols qui lui ont valu une quinzaine de condamnations.

Le président de l’Union syndicale des magistrats demande au gouvernement et au chef de l’Etat qu’ils "prennent leurs responsabilités et nous donnent les moyens d’appliquer les lois que le Parlement vote".

Revoir le système d'exécution des peines

Plutôt que de se pencher sur une nouvelle fois sur la récidive, Philippe Bilger estime "qu'il faudrait se pencher sur notre système d’exécution des peines qui est défaillant depuis longtemps". Dans les faits, "ce serait reconsidérer la philosophie de l’exécution des peines". Il faudrait "d'abord ne pas considérer que le pénitentiaire a le droit d’altérer le judiciaire", estime-t-il sur Europe 1 et "ensuite revenir sur l’individualisation des peines et tomber plutôt dans un système qui serait l’objectivation des infractions".