La société de conseil de François Fillon ciblée par ses adversaires politiques

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Yannick Jadot, notamment, soupçonne de potentiels conflits d'intérêts et veut saisir le déontologue de l'Assemblée national.

L'exercice de défense auquel s'est livré François Fillon lundi soir n'a pas convaincu tout le monde. Sans surprise, ses adversaires politiques n'ont pas vraiment apprécié une conférence de presse jugée semblable à "un numéro droit dans ses bottes" (ça, c'est Benoît Hamon), "d'un cynisme absolu" (Yannick Jadot) ou inaboutie. Mais certains ont aussi rebondi sur les propos du vainqueur de la primaire de la droite pour contre-contre-attaquer. Car l'opération transparence de François Fillon l'a aussi amené à détailler les clients de sa société de conseil, "2F Conseil". Et tout cela manque de transparence, selon plusieurs responsables politiques.

Pas de clients russes. François Fillon a pourtant tenté d'être exhaustif sur le sujet. "J'ai donné des conférences dans de nombreux pays et j'ai conseillé des entreprises", a-t-il expliqué. Déjà attaqué par le passé pour des conférences données en Russie, le vainqueur de la primaire de la droite, qui ne cache pas sa volonté de renouer avec Vladimir Poutine sur le dossier syrien, a affirmé que "la liste de [ses] clients ne comprend aucune entreprise russe, ni le gouvernement russe, ni aucun organisme de ce pays". "Toutes les conférences que j'ai données en Russie l'ont été à titre gratuit." Mais c'est plutôt du côté des clients français que cela coince. "Parmi [eux], il y a l'assureur AXA, la société Fimalac et la banque ODDO", a détaillé François Fillon.

Jadot soupçonne un conflit d'intérêt avec AXA. Or, au moins deux de ces groupes soulèvent des questions. La compagnie AXA était en effet dirigée, jusqu'à l'année dernière, par Henri de Castries. Le même Henri de Castries qui a annoncé publiquement, le mois dernier, qu'il soutenait François Fillon à la présidentielle. Or, pour Yannick Jadot, candidat Europe Ecologie-Les Verts à la présidentielle, comme pour Florian Philippot, responsable FN, il existe un risque de conflit d'intérêts. "Axa reconnaît que François Fillon a travaillé comme conseil sur une directive européenne touchant à la question de la santé", a détaillé le premier mardi matin sur Europe 1. Entre 2012 et 2014, en effet, le député de Paris a aidé le groupe dans ses négociations sur la directive Solvabilité 2, qui porte sur le régime prudentiel des assurances et des groupes de protection sociale. C'est ce qu'Axa a confirmé à L'Argus de l'assurance.

Cette directive européenne, entrée en vigueur le 1er janvier 2016, a été traduite dans le droit français dès 2015. Autrement dit, François Fillon aurait, alors qu'il était député, influé sur une directive européenne via sa société de conseil. "Quand on est législateur, on ne peut pas intervenir comme lobby", s'est agacé Yannick Jadot. "C'est en dehors des clous."


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Le candidat EELV veut donc "saisir le déontologue de l'Assemblée nationale" pour faire toute la lumière sur cette affaire. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'il en parle. En décembre dernier, déjà, l'écologiste avait exigé de connaître les clients de "2F Conseil". "C'est indispensable", avait-il dit sur BFM TV. "Je demande la transparence pour tous les candidats."

Pour le FN, Fillon "n'est pas libre". Florian Philippot, quant à lui, a vu un lien entre le programme santé de François Fillon et ses activités de conseil auprès d'une compagnie d'assurance. "Son projet de Sécurité sociale, c'est largement une privatisation de la Sécurité sociale au profit des assurances privées", a-t-il dénoncé lundi soir sur Europe 1. Le problème, pour lui, est "politique". "Cela veut dire que cet homme n'est pas libre, qu'il est entre les mains des puissances d'argent. Quels autres points de son programme sont déterminés par d'éventuelles relations commerciales, ou des relations de dépendance financière ?"


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Un client qui n'est autre que Ladreit de Lacharrière. L'autre client de la société "2F Conseil" qui soulève des questions, c'est Fimalac. Une holding qui exerce des activités notamment dans les services financiers, qui détient l'entreprise Webedia (éditeur notamment des sites Allociné, PureMédias ou Jeuxvideo.com) et qui appartient à Marc Ladreit de Lacharrière. Or, Marc Ladreit de Lacharrière est un très proche de François Fillon. Jusque-là, rien d'anormal, mais c'est aussi ce Marc Ladreit de Lacharrière qui possède la Revue des deux mondes à laquelle Penelope Fillon a collaboré pour la modique somme de 100.000 euros brut en dix-huit mois. Et, selon Le Monde, le parquet national financier enquêterait sur un potentiel trafic d'influence à ce sujet, puisque c'est François Fillon qui a élevé Marc Ladreit de Lacharrière au rang de grand-croix de la Légion d'honneur, en 2010. L'a-t-il fait contre services rendus ? Si c'est le cas, cela n'est pas pour avoir fait appel à la société "2F Conseil", qui n'a été créée qu'en 2012. Mais cela alimenterait sans aucun doute les soupçons de manque de transparence.

Des activités avec le cabinet Ricol Lasteyrie. Enfin, François Fillon a précisé qu'il avait aussi "fait partie du conseil de surveillance du cabinet Ricol Lasteyrie", spécialisé dans l'évaluation financière. Le président de ce cabinet, René Ricol, expert-comptable de profession, avait été nommé commissaire général à l'investissement en 2010 par Nicolas Sarkozy. Il était donc chargé, sous l'autorité de François Fillon, Premier ministre à l'époque, de gérer les 35 milliards d'euros de grand emprunt national destinés à relancer l'économie française. Et François Fillon l'avait élevé, en 2011, au grade de grand officier de la Légion d'honneur.

Selon Mediapart, le vainqueur de la primaire de la droite était toujours collaborateur de Ricol Lasteyrie au 1er février dernier, n'ayant jamais envoyé de lettre de démission. Il touche une rémunération annuelle estimée par René Ricol lui-même "entre 40.000 et 60.000 euros", et que Mediapart chiffre à 200.000 euros en quatre ans et demi. Des sommes "perçues par l'intermédiaire" de sa société de conseil, précise le site d'investigation. Et dont François Fillon n'avait jamais fait part jusqu'à lundi, alors que "les parlementaires sont tenus de déclarer scrupuleusement leurs liens d'intérêts et activités extérieures à leur mandat".