"La situation de François Hollande est crépusculaire"

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Emmanuel Faux , modifié à
David Revault d'Allonnes, éditorialiste politique d'Europe 1, revient sur l'onde de choc provoquée par la sortie du livre Un président ne devrait pas dire ça. 

Le livre de confidences de François Hollande, Un président ne devrait pas dire ça, n'en finit plus de susciter des remous. C'est un désastre politique pour le Président, qui se retrouve à la fois vilipendé par ses camarades socialistes, y compris par Claude Bartolone, le Président de l'Assemblée nationale. Du jamais vu, selon David Revault d'Allonnes, éditorialiste politique d'Europe 1.

A-t-on déjà vu un président en si mauvaise posture ? 

"Quelle atmosphère. Quelle fin de règne. Alors bien sûr, toutes les fins de mandat présidentiel sont traditionnellement compliquées. Et François Hollande a souvent été en posture difficile dans ce quinquennat. Il n'empêche. Depuis la sortie de ce livre de confidences, on a le sentiment qu'il y a quelque chose de définitivement cassé au royaume de Hollande. A un peu plus de six mois du premier tour de la présidentielle, jamais président sortant n'aura été autant contesté par son propre camp. Autant détesté par sa propre majorité et surtout, autant challengé par ses propres ministres qui se transforment presque tous en concurrents directs pour 2017.

Ses ministres qui se transforment presque tous en concurrents, vous n'exagérez pas un petit peu ?
"J'ai fait le calcul C'est bien simple : pas moins de six de ses ministres anciens ou actuels sont candidats contre lui. Ou envisagent de l'être. C'est du jamais vu. On récapitule : deux sont candidats déclarés à la primaire du PS, Arnaud Montebourg et Benoit Hamon. On aurait même pu en compter une de plus si Cécile Duflot n'avait pas été balayée par la primaire écologiste. Il y en a un autre qui est dans la nature. Pas encore candidat déclaré, mais qui fait tout pour l'être: Emmanuel Macron. Ca fait déjà trois. Et ce n'est pas tout : le trouble causé par les confidences de François Hollande a réveillé d'autres appétits. Fait resurgir de nouvelles hypothèses. Du coté des potentiels, on cité désormais Ségolène Royal, l'ancienne finaliste de la présidentielle de 2007. Pas mécontente de laisser dire. Ou encore Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l'Education. Et puis, bien sûr, il y a Manuel Valls. Le premier ministre. Qui, dans cette dérive des continents, s'est lui aussi mis en mouvement il y a quelques jours".

Oui, mais Manuel Valls c'est un candidat en réserve... au cas où ! Vous croyez qu'il pourrait faire sécession comme Emmanuel Macron ? Et aller jusqu'à affronter directement François Hollande ?

"C'est en tout cas une véritable partie d'échecs que le premier ministre a engagé avec le chef de l'Etat. Vous avez raison de rappeler l'épisode de la démission d'Emmanuel Macron. Car ces derniers mois, Valls n'a cessé de mettre en avant sa loyauté à Hollande. Précisément pour se démarquer de l'ancien ministre de l'Economie. Et se rallier les faveurs des socialistes, plutôt légitimistes dans l'âme. C'est pourquoi il doit toujours apparaître fidèle. La loyauté reste de rigueur. Mais Manuel Valls, ces derniers jours, se démarque nettement".

C'est vrai que cette semaine, dans un avion, il s'est lâché, en exprimant sa "honte", et sa "colère" après les confidences présidentielles...

"Un premier caillou dans le jardin du président. Le problème, c'est que dans la contestation de Hollande : il n'est pas certain qu'il puisse aller beaucoup plus loin. Car il est comptable comme lui du bilan de ce quinquennat. Et surtout, pas sûr qu'il puisse aller beaucoup plus haut. Dans les enquêtes d'opinion, Manuel Valls ne fait pas mieux que François Hollande en terme d'intention de vote. C'est tout de même un sérieux souci. En clair, aucune solution de remplacement ne s'impose réellement".

En même temps, David, c'est un phénomène assez classique sous la Vème République... Tous les chefs de l'Etat depuis De Gaulle ont connu des fins de mandat agitées.

"Vous avez raison. Ce fut le cas pour François Mitterrand en 1995, attaqué de toutes parts. Ou encore pour Jacques Chirac en 2007. Mais là, la situation est crépusculaire. Une sorte d'état d'anarchie. On n' imagine pas un Sarkozy challengé par une demi douzaine de ses ministres en 2012, même au sommet de l'impopularité. L'ancien président inspirait encore à ses troupes une forme sinon de respect, du moins de crainte. Aujourd'hui François Hollande ne fait peur à personne. Du moins pas au sens ou on l'entend. Car les socialistes redoutent bel et bien une chose: que la gauche réformiste, celle incarnée par Hollande et Valls, soit pulvérisée. Et durablement écartée du pouvoir".

Crépuscule, anarchie... A vous entendre, la messe est dite pour le Président !?

"Pas tout à fait... Hollande a un réel talent : il s'épanouit dans une forme de bazar généralisé. On savait qu'il organisait la désorganisation. Et qu'il se complaisait dans une forme de flou. Là, c'est carrément la pétaudière. Et si les nombreux concurrents issus de son camp tentent de jouer l'empêchement. Lui, retranché à l'Elysée, joue l'épuisement. L'étouffement des autres. Lui président reste le maître des horloges. Il a juré qu'il annoncerait sa décision en décembre. Et d'ici là, c'est lui le maître du jeu. On voit bien que Manuel Valls ne le combattra pas frontalement. Quant à Macron, on se pose la question de savoir s'il sera vraiment candidat. Tant que le président ne s'est pas déclaré, ces deux là sont condamnés à rester dans un entre deux. La balle reste dans le camp de Hollande. Encore faut il qu'il ne se la tire pas dans le pied. L'objectif de l'opération "livre confidences" était de réhabiliter son bilan. De déminer les sujets sensibles avant la présidentielle. De déblayer le terrain".

... Et on voit le résultat !

"Il ne lui reste plus que quatre semaines pour persuader qu'il n'y pas d'autres choix que lui. Un peu comme dans la publicité avec Georges Clooney: François Hollande, what else?"