La séquence "dramatisation" de Hollande

La rentrée, "un véritable défi", assure François Hollande
La rentrée, "un véritable défi", assure François Hollande © REUTERS
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Hélène Favier , modifié à
Pour la rentrée, François Hollande tente d’adresser un "Je vous ai compris" aux Français.

On a écouté, ici, un discours de Hollande à Châlons-en-Champagne sur la gravité de la situation. On vu, là, Ayrault, grave, multiplier les interventions cathodiques. On a entendu, enfin, une annonce angoissée sur les "3 millions de chômeurs" signée Sapin. Nul doute possible : depuis trois jours, l’exécutif a sévèrement dramatisé son discours.

François Hollande en personne a ainsi insisté dans un discours, présenté comme important par son entourage, vendredi à la foire de Châlons-en-Champagne, sur son "devoir de dire la vérité aux Français", face à une crise d'une "gravité exceptionnelle". Des termes quasi-absents, jusqu’à présent, du vocabulaire du nouveau président.

Pourquoi "ce discours de vérité intervient-il maintenant" ? A quoi sert cette dramatisation du discours ? Premiers éléments de réponse.

 • Lancer un 'je vous ai compris' aux Français

Après avoir fait de la rupture avec Nicolas Sarkozy sa marque de fabrique et suivi le credo mitterrandien de ‘il faut donner du temps au temps’, "la stratégie du président banal s’est vite heurtée aux impatiences suscitées par toute campagne électorale", explique d’abord Arnaud Mercier, spécialiste de communication politique, rappelant la chute de popularité de l'exécutif français. "Avec cette dramatisation, François Hollande lance ainsi aux Français une sorte de ‘je vous ai compris’, signifiant qu’il ne nie pas le problème, qu’il se ressaisit du dossier", ajoute-t-il.

Ce discours est d’autant plus nécessaire que "les Français sont désormais conscients de la gravité de la situation. Ils sont excessivement pessimistes et attendent des actions", précise à Europe1.fr le politologue Gérard Grunberg. "Durant l’été, François Hollande n’a pas jugé bon - à tort ou raison - d’intervenir, de faire un discours de vérité à la Winston Churchill [qui avait promis en 1940 "du sang et des larmes" aux Anglais]. Il y avait donc chez les Français un début d’impatience face au silence du pouvoir".

• Rappeler que la situation est héritée de l’ère Sarkozy

Alors que les dissensions se multiplient dans la majorité - autour du nucléaire, des Roms, du traité européen -, ce discours de vérité de François Hollande et du gouvernement de Jean-Marc Ayrault est également l’occasion de rappeler que cette situation d’une "gravité exceptionnelle" est issue du quinquennat précédent, des années Sarkozy.

"Cet argumentaire sur le thème de ‘l’héritage de la crise’ a l’avantage de ressouder le clan derrière son chef. La situation est grave, il faut serrer les rangs", analyse encore Arnaud Mercier. En somme, c'est un moyen, pour François Hollande de rappeler à l'ordre ses partenaires écologistes, de plus en plus critiques, ou de discipliner une gauche de la gauche qui annonce déjà qu'elle ne votera pas le traité budgétaire, au Parlement fin septembre, un écart qu'une majorité ne peut se permettre en temps de crise.

 • Préparer les "sacrifices à venir"

Enfin ce discours-vérité a un rôle préventif. Dans quelques mois, le gouvernement devra plancher sur des dossiers ultra- sensibles : la ratification du traité budgétaire européen et le vote d’un budget très serré où des coupes"franches" seront annoncées dans les dépenses de l’Etat.

 Un discours alarmant "permet donc de justifier préventivement la phase de sacrifices à venir", explique Arnaud Mercier, qui ajoute "ce discours n’est toutefois pas une fin en soi. Les Français - très pessimistes sur l’action de leurs politiques - scruteront à la loupe les actions concrètes du gouvernement". 

Et pour ceux qui doutent encore, François Hollande se prêtera à un exercice de pédagogie, lors du journal de 20 heures de TF1 le dimanche 9 septembre, pour sa première interview télévisée de la rentrée.