La proportionnelle, nouveau dossier brûlant pour l'exécutif ?

Les députés sont aujourd'hui élus via un scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Macron a promis d'introduire une dose de proportionnelle.
Les députés sont aujourd'hui élus via un scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Macron a promis d'introduire une dose de proportionnelle. © AFP
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L'introduction d'une dose de proportionnelle aux élections législatives est une promesse d'Emmanuel Macron. Mais calendrier comme mise en œuvre n'ont pas encore été détaillés.

"Je n'ai aucun problème avec ça." Qu'on se le dise, le Premier ministre Édouard Philippe est favorable à la modification du mode de scrutin pour les législatives, afin d'y introduire une dose de proportionnelle. Il l'a répété mardi matin sur FranceInfo. "Je pense que c'est utile. Le gouvernement s'est engagé sur la proportionnelle." Et de fait, cette réforme fait partie des conditions imposées par François Bayrou à Emmanuel Macron en échange de leur alliance politique.

Le mode de scrutin actuel jugé injuste. L'objectif principal d'une telle réforme est de garantir une meilleure représentation des citoyens à l'Assemblée. Actuellement, les législatives se déroulent grâce à un scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Pour accéder au second tour, il faut arriver en première ou en deuxième position, ou, pour les candidats arrivés derrière, réunir plus de 12,5% des inscrits (et non des suffrages exprimés).

La conséquence principale de ce mode de scrutin est de favoriser les gros partis et de donner une prime majoritaire au vainqueur. Avec "seulement" 32,32% des suffrages exprimés au premier tour, la REM et le MoDem devraient obtenir entre 390 et 450 sièges à l'Assemblée, soit entre 67,5% et 78% des députés. Alors que le Front national par exemple, qui a obtenu 13,2% des suffrages au premier tour, devrait asseoir entre 3 et 10 élus dans l'Hémicycle, soit entre 0,52% et 1,73% des sièges. Pour bien des partis, FN en tête, ce mode d'élection est donc profondément injuste. Marine Le Pen a dénoncé, dimanche soir, après les résultats du premier tour, un système de vote qui empêche "une représentation digne de ce nom".

La proportionnelle intégrale nuirait à la stabilité. S'il était à la proportionnelle, le scrutin serait plus représentatif du choix des Français au premier tour. Mais pourrait, selon ses détracteurs, nuire à la stabilité des institutions. Une proportionnelle intégrale rendrait quasiment impossible l'obtention d'une majorité absolue à l'Assemblée et forcerait le gouvernement à former des coalitions avec d'autres partis. Ce qui se fait à l'étranger, mais n'est pas du tout dans l'esprit de la Ve République, conçue pour donner une grande marge de manœuvre à l'exécutif. Résultat : Emmanuel Macron a bien promis la proportionnelle, mais "une dose" seulement.

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"Je ne sais pas si ce sera 10 ou 20%" des sièges. Reste à définir cette "dose". Et rien ne semble arrêté du côté de l'exécutif. "Est-ce que c'est une petite dose, une dose totale ?" s'est interrogé Edouard Philippe mardi. "Là, il y a un sujet. Je ne sais pas si ce sera 10 ou 20% [des sièges à l'Assemblée], c'est quelque chose qu'il faut regarder dans le détail pour savoir combien de parlementaires restent à l'Assemblée nationale et comment est-ce qu'on organise la nouvelle Assemblée, avec moins de députés sans doute, avec un mode de scrutin différent pour les désigner." Car outre la proportionnelle partielle, Emmanuel Macron a aussi prévu la diminution d'un tiers du nombre de députés.

" Est-ce que c'est une petite dose, une dose totale ? Là, il y a un sujet. "

Une réforme déjà repoussée. Côté calendrier, le flou règne aussi. "Je mènerai très rapidement" cette réforme, avait assuré Emmanuel Macron le 5 mai dernier à Mediapart. "Il faut le faire avant la fin de l'année." Pas si rapidement que cela finalement, puisque selon une source gouvernementale citée par FranceInfo, le chantier ne sera pas à l'ordre du jour avant 2018. "Il y a un problème d'urgences", a argué Jean-Paul Delevoye, président de la Commission nationale d'investiture de la REM pour les législatives, lundi, sur Europe 1. "Le président a fixé ses priorités. Et je crois qu'après, il y aura un temps, et j'espère pour la mi-quinquennat ou le post-quinquennat, où nous pourrons réfléchir à la modification institutionnelle qui permettra une dose de proportionnelle." Autant dire que ce n'est pas pour tout de suite.

S'il décidait d'enterrer le projet, Emmanuel Macron ne serait pas le premier à le faire. Avant lui, François Hollande aussi avait promis une proportionnelle partielle, avant de reculer fin 2015. En cause : la poussée du Front nationale aux élections régionales, qui lui faisait craindre la présence d'une "centaine d'élus frontistes" à l'Assemblée en cas de changement de mode de scrutin. La seule fois où la proportionnelle partielle avait été introduite pour les législatives, en 1986, sous François Mitterrand, 35 députés FN s'étaient installés dans l'Hémicycle.