La primaire de la gauche vire à la fronde anti-Valls

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© Sebastien Bozon / POOL / AFP
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Manuel Valls est pris pour cible par l'intégralité de ses adversaires à la primaire. Lui bat toujours le rappel du rassemblement et infléchit son discours à gauche pour se sortir du piège.

Manuel Valls serait-il le Nicolas Sarkozy de la primaire à gauche ? Comme l'ancien président, l'ex-Premier ministre est devenu l'ennemi numéro un au sein de son propre camp. Dernière preuve de la fronde qui se forme contre lui, la désormais probable candidature de Vincent Peillon. Une candidature qui "représente le cœur du Parti socialiste ", selon l'un des fidèles de l'ancien ministre de l'Éducation, le député Patrick Mennucci. Une candidature, surtout, qui s'oppose une nouvelle fois à la ligne social-libérale incarnée par Manuel Valls.

Charge de Montebourg. La politique de l'ancien Premier ministre est pilonnée, depuis plusieurs jours, par les autres candidats à la primaire. Mercredi, Arnaud Montebourg a ainsi fustigé les "positions très tranchées" de Manuel Valls sur France Info. "Lors de la primaire de 2011, il défendait la suppression de l'ISF, la fin des 35 heures et la TVA sociale. C'est exactement le programme de François Fillon." L'ancien ministre du Redressement productif a aussi rappelé que "beaucoup de blessures ont été ouvertes dans le pays" avec le "projet de déchéance de nationalité", ardemment défendu par Manuel Valls.

La candidature "la plus clivante". Benoît Hamon n'a pas été plus tendre mardi, sur France Inter. Pour lui, "les mots de Munich à l'endroit de madame Merkel sur la question des réfugiés, les mots sur la déchéance de nationalité, les mots sur le burkini" prononcés par l'ancien locataire de Matignon font que sa candidature est "la plus clivante" de toute. "Quand on est au pouvoir, si on veut rassembler les gauches, on ne fait pas la loi Travail", a tonné Marie-Noëlle Lienemann. "On ne cherche pas à annihiler toutes les propositions qui ont fait qu'on a été élu en 2012."

" Quand on est au pouvoir, si on veut rassembler les gauches, on ne fait pas la loi Travail. "

Des alliances pour contrer l'ancien Premier ministre. La sénatrice est si remontée contre Manuel Valls qu'elle se dit prête à renoncer à se présenter pour éviter un éparpillement des voix sur l'aile gauche du PS. "J'y réfléchis", a-t-elle déclaré mardi, ajoutant : "il faut aller à l'essentiel, et donc il faut s'unir." Qui soutiendra-t-elle ? Peut-être personne au premier tour, mais pour le second, le choix est fait : "celui qui sera en situation de battre Manuel Valls." Si certains des petits candidats n'arrivent pas à obtenir le nombre minimum de parrainages pour se présenter, ils pourraient se rallier à Arnaud Montebourg ou Benoît Hamon pour contrer l'ancien Premier ministre

Le théoricien des "gauches irréconciliables" ne peut réconcilier. Outre ses idées, c'est aussi l'attitude de Manuel Valls qui est vertement critiquée par ses adversaires. Sa gestion musclée des désaccords au sein de la gauche pendant le quinquennat, et notamment de la fronde parlementaire qui s'est formée au fil des ans, lui est renvoyée aujourd'hui comme une preuve qu'il ne pourra jamais fédérer la gauche. Arnaud Montebourg dénonce ainsi un "usage abusif du 49.3" de sa part, "incompatible avec le désir de refonder la démocratie et le système politique sur une base qui ne soit pas autoritaire". Et tous rappellent que celui qui prône aujourd'hui le rassemblement a théorisé, il n'y a pas si longtemps, les "gauches irréconciliables".  

"Cette primaire n'est pas un congrès du parti". Conscient que la primaire est en train de virer au référendum contre lui, Manuel Valls joue les dernières cartes qui lui restent. D'abord en mettant ses camarades en garde. "Cette primaire n'est pas un congrès du parti, c'est une rencontre avec les citoyens, avec le peuple de France", a-t-il déclaré lors de son premier meeting de campagne, mercredi, à Audincourt. "Je veux parler aux Français, pas au parti." Sous-entendu : ce n'est pas l'avenir du PS qui se joue là, mais bien celui du pays. Et certains feraient mieux de se concentrer sur la présidentielle plutôt que de jouer déjà le coup d'après. L'ancien Premier ministre, lui, se positionne encore et toujours comme celui qui a "toujours voulu rassembler, dans la clarté". "Je suis au centre, au cœur même de ce qu'est la gauche", a-t-il asséné.

" Je suis au centre, au cœur même de ce qu'est la gauche. "

Coup de barre à gauche. Et pour donner un peu plus de poids à un propos que beaucoup ont du mal à trouver crédible, Manuel Valls n'a pas hésité à mettre de l'eau dans son vin. Depuis plusieurs semaines, le candidat a commencé, par exemple, à se montrer très critique à l'égard de la mondialisation. "L'objectif n'est pas de sortir de la mondialisation, cela n'existe pas. Mais on ne peut pas non plus la subir", a-t-il ainsi déclaré à Audincourt mercredi. On est encore loin d'une "démondialisation" à la Montebourg, mais le discours est tout de même nettement plus PS-compatible. En outre, lors de l'annonce de sa candidature, lundi, Manuel Valls a dit regretter ses "mots durs" à l'égard des "gauches irréconciliables". "Aujourd'hui, j'ai une responsabilité : rassembler. Chacun devra faire un effort, moi le premier."

Réactiver le clivage droite/gauche. Pour renforcer son capital "de gauche", Manuel Valls compte aussi réactiver le clivage avec la droite. Tâche rendue plus aisée par le fait que le programme du candidat LR, François Fillon, est pour le moins radical. "J'invite tous les Français qui refusent l'extrême droite, la régression sociale que propose François Fillon, à venir débattre", a-t-il lancé lundi." Pas sûr, néanmoins, que cela suffise à gommer une image de social-libéral qui lui colle à la peau, et que ses adversaires ne manqueront pas de rappeler à la moindre occasion.