L'UE veut mettre fin au monopole du livret A

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Administrator User , modifié à
La Commission européenne donne neuf mois à la France pour donner à toutes les banques le droit de distribuer le livret A et le livret bleu, jusqu'ici réservés à trois réseaux bancaires seulement, les Caisses d'épargne, la Banque postale et le Crédit mutuel. Si la France n'obtempère pas, elle risque de se retrouver devant la Cour de justice de l'Union européenne. Les Caisses d'épargne ont annoncé leur souhait de s'associer au recours envisagé par le gouvernement contre cette banalisation.

Les livrets A et bleu sont des produits d'épargne avantagés par l'Etat sous forme de défiscalisation et dont la distribution est réservée pour l'instant aux Caisses d'épargne et à la Banque postale (livret A) ainsi qu'au Crédit mutuel (livret bleu). Ces établissements transfèrent, en contrepartie d'une commission d'intermédiation, les sommes collectées à la Caisse des Dépôts et Consignations, qui les utilise pour financer le logement social. Ces livrets sont détenus par environ 50 millions de Français pour un encours de 128 milliards d'euros. Pour la Commission européenne, ce système constitue une entrave à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services offertes à toutes les banques françaises ou étrangères dans le marché intérieur de l'épargne bancaire liquide. La Commission européenne a donc décidé de donner neuf mois à la France pour donner à toutes les banques le droit de distribuer le livret A et le livret bleu. "La survivance de droits spéciaux de distribution de produits d'épargne défiscalisés, octroyés à des établissements bancaires dont le rayon d'activité a par ailleurs été continûment étendu, constitue une anomalie préjudiciable au développement de conditions de concurrence équitables", ont estimé les 27 commissaires européens. Ils estiment en outre que l'exclusivité de la distribution des livrets A et bleu n'est pas indispensable pour assurer les services invoqués par la France, le financement du logement social et l'accessibilité aux services bancaires de base. Ces missions peuvent selon eux très bien être assurées en obligeant toutes les banques à participer à la même obligation de centralisation des fonds à la Caisse des dépôts. Elles pourraient même être étendues, puisque la fin de l'exclusivité facilitera l'accès des clients à ces produits. C'est d'ailleurs l'argument qu'ont fait valoir les concurrents français des trois réseaux distributeurs de ces livrets, qui, avec le groupe néerlandais ING via sa filiale ING Direct, ont porté plainte l'an dernier à Bruxelles, avec pour conséquence l'ouverture d'une procédure d'infraction contre Paris. Selon la Commission, l'accès aux services bancaires de base peut quant à lui être assuré en soumettant les opérateurs à des obligations de service public spécifiques, comme l'ouverture d'un livret au nom de toute personne qui en fait la demande. Dans un argumentaire, la Caisse des Dépôts souligne qu'elle "reste attachée au maintien de la centralisation par ses soins des dépôts du livret A et du livret bleu", ce qui n'est pas incompatible avec la décision prise jeudi par la Commission. Mais la Caisse rappelle les conclusions de sa commission de surveillance en septembre 2006, selon laquelle la "banalisation" de leur distribution présente un "risque très sérieux". Cette commission a en effet estimé que "les nouveaux réseaux collecteurs pourraient être amenés à proposer aux détenteurs du Livret A d'autres produits financiers", asséchant ainsi le financement du logement social.