L’immunité du chef de l’Etat en question

Pierre Moscovici dénonce "l'absurdité de ce statut pénal du chef de l'Etat qui fait qu'un homme, vingt ans après, n'est pas en état" de répondre en justice.
Pierre Moscovici dénonce "l'absurdité de ce statut pénal du chef de l'Etat qui fait qu'un homme, vingt ans après, n'est pas en état" de répondre en justice. © MAXPPP
  • Copié
Frédéric Frangeul avec AFP , modifié à
Au vu du procès Chirac, Pierre Moscovici réclame une réforme du statut pénal du président.

L'absence annoncée de Jacques Chirac au procès des emplois présumés fictifs de la mairie de Paris soulève de nombreuses réactions dans la classe politique et parmi les magistrats. Pour le socialiste Pierre Moscovici, c’est la preuve qu'il faut transformer le statut pénal du chef de l'Etat pour qu'il puisse répondre à la justice pendant son mandat.

Actuellement, le statut pénal du président de la République prévoit que le chef de l’Etat "ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite". Cette disposition est à l’origine du procès tardif intenté à Jacques Chirac, président de la République de 1995 à 2007.

Le statut pénal a fait l'objet d'une réforme en février 2007, approuvée par le Parlement réuni en Congrès à Versailles. Cette réforme visait à combler un flou juridique entourant le statut du chef de l'Etat, tel qu'il était défini par l'article 68 de la Constitution de 1958. Mais elle semble aujourd'hui insuffisante, pour plusieurs responsables politiques, y compris dans la majorité.

Moscovici déplore "une impunité à vie"

Pour Pierre Moscovici, le procès des emplois fictifs de la mairie de Paris "doit avoir lieu, parce que la justice doit passer". Sinon, on accorde de fait "une impunité à vie à un chef de l'Etat", a estimé sur BFM-TV le coordonnateur de la campagne des primaires de François Hollande. Et "une affaire importante, un système de financement qui, en plus, a sans doute permis à Jacques Chirac, alors maire de Paris, d'accéder à l'Elysée, restera à tout jamais inconnu".

Le député du Doubs estime que ces faits "prouvent l'absurdité de ce statut pénal du chef de l'Etat qui fait qu'un homme, vingt ans après, n'est pas en état" de répondre en justice.  "Je pense que le président doit pouvoir répondre de faits détachables de son mandat ou antérieurs", a dit l'ancien ministre socialiste des Affaires européennes, même s'il ne faut pas "le vulnérabiliser" et "faire en sorte que n'importe quel justiciable puisse l'attaquer".

Un dispositif "inopérant" pour Patrick Devedjian

Dimanche soir déjà, François Hollande avait suggéré de mettre fin à l'immunité actuelle du président de la République et de mettre en place une commission qui filtre les éventuelles plaintes pour éviter des plaintes abusives.

Une vision partagée par Patrick Devedjian qui a estimé lundi matin sur Europe 1 que le déroulement du procès Chirac apparaissait "comme un déni de justice". "Ça fait réfléchir sur le dispositif institutionnel qu’on avait établi et qui est inopérant" a-t-il indiqué.

Le système est "absurde"

La défaillance du système est également pointée du doigt par les juristes. "Le système de la responsabilité pénale du chef de l'Etat est absurde", a expliqué lundi sur Europe 1 le professeur de droit constitutionnel Dominique Rousseau.

Les délais consécutifs à l'immunité dont bénéficie le président durant toute la durée de son mandat conduisent selon lui à un procès qui "n'a aucun sens pour la personne et pour la société".