L'alliance Borloo-Bayrou fâche les sarkozystes

Nicolas Sarkozy et François Bayrou en 2009 à l'Elysée. Les deux hommes ne regardent désormais plus dans la même direction.
Nicolas Sarkozy et François Bayrou en 2009 à l'Elysée. Les deux hommes ne regardent désormais plus dans la même direction. © REUTERS
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EN COULISSES - Les partisans de l’ex-président ne cachent pas leur hostilité envers la future formation centriste et François Bayrou.

A la question : "si quelqu’un s’oppose au mariage Modem-UDI, qu’il parle maintenant ou se taise à jamais", une chorale de voix sarkozystes risque de s’élever. Car les fidèles de l’ancien président n’apprécient pas franchement la nouvelle union centriste, qui sera entérinée mardi, entre Jean-Louis Borloo, qu’ils considèrent toujours comme un allié potentiel, et le félon François Bayrou, coupable d’avoir choisi François Hollande lors du second tour de l’élection présidentielle. Alors les proches de l’ex-chef de l’Etat sont bien décidés à savonner la planche à la nouvelle entité en général et au président du Modem en particulier. D’abord dans les paroles, ensuite dans les actes.

Caroline Roux, éditorialiste d'Europe 1, explique comment l'UMP s'organise :

"Ils n'ont pas pardonné". Pour se convaincre que les sarkozystes n’ont toujours pas pardonné au président du Modem, il suffit d’écouter Brice Hortefeux. "François Bayrou est celui qui a aidé François Hollande à devenir président de la République. Ce n’est pas un jugement, c’est une observation. C’est la responsabilité qu’il a choisie, certainement en son âme et conscience, d’assumer", a-t-il asséné dimanche sur France 5. "Nos actes nous suivent. Pour sortir du socialisme, on n’est pas obligé de choisi celui qui nous y a fait rentrer", a conclu ce très proche de Nicolas Sarkozy.

"Quand on voit les résultats fameux des socialistes, ça passe d’autant moins. Pour les militants UMP, ce n’est pas la preuve d’une grande clairvoyance", ironise de son côté Isabelle Balkany, jointe par Europe1.fr. "C’est quelque chose qui ne peut pas passer", tranche l’ex-conseillère général des Hauts-de-Seine.

"Bayrou ne pèse rien". L’autre vecteur de discrédit de François Bayrou, c’est son poids politique. Qui est égal à zéro, pour les sarkozystes. "Que représente le Modem ? On a l’impression que c’est un mariage à égalité, mais ce n’est vraiment pas le cas. Le Modem n’a pas d’élus, pas de députés, rien", rappelle ainsi Isabelle Balkany. "Bayrou ne représente pas grand-chose maintenant, donc c’est lui donner une tribune qu’il n’avait plus tout seul", enfonce l’épouse de Patrick Balkany. Quant à la situation personnelle de François Bayrou, probable candidat aux municipales de Pau et que l’UMP cherchera, dit-on, à faire battre à tout prix ? "Je m’en fous, pour tout vous dire. Ça ne m’empêche pas de dormir", tranche Isabelle Balkany. "Il ne fait pas partie de mon horizon politique. Il ne pèse pas, il a des positions pour le moins contradictoires. Il est comme L’os à moelle (journal satirique fondé par Pierre Dac en 1978) : pour tout ce qui est contre et contre tout ce qui est pour."

Jean-Louis Borloo

© Reuters

Borloo doit se méfier. Et quid de Jean-Louis Borloo, allié naturel de l’UMP, à laquelle il adhéra entre 2002 et 2011 ?  La nouvelle entité est-elle à même de mettre à mal cette alliance potentielle entre le centre et l’UMP ? "J’espère que non. L’UMP et l’UDI sont très proches", répond Isabelle Balkany, qui précise dans la foulée : "Cela dit, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne chose pour lui. En tout cas, pour l’instant, chez les adhérents et sympathisants UMP, ça suscite un tollé", assure-t-elle. En clair, l’ancien ministre de l’Ecologie a tout à perdre, et d’abord le soutien de l’UMP, dans son alliance avec le Modem.

Sarkozy s'inquiète et prodigue ses conseils. L’ancien président lui-même s’intéresse de près à l’affaire. En septembre, lors d’un déjeuner à Nice avec des parlementaires de l’UMP, il avait déjà prévenu : "Il faut que le centre reste dans la famille. Si les centristes s'en vont, on ne sera pas au second tour en 2017." Alors, l’ancien président distille ses conseils, à Brice Hortefeux notamment. "Attends leur mariage. Après, tu rappelleras que l'UMP est le rassemblement de la droite, mais aussi du centre", a ainsi soufflé, selon le JDD, l’ex-président à son fidèle. Message parfaitement reçu par les troupes sarkozystes, à l’image de Geoffroy Didier : "Pour nous, cela sera une occasion formidable de dire aux centristes : ‘Venez à l'UMP. Sinon, vous serez dirigés par quelqu'un qui a voté François Hollande’", affirme ainsi le tenant de La Droite Forte au JDD.

saubatte-carre

Le siège de Pau. Et pour affaiblir encore François Bayrou, l’UMP ne compte lui faire aucun cadeau si le président du Modem était candidat à Pau. Il y aura donc bien un candidat du parti de la droite, Eric Saubatte (photo), chargé de faire mordre la poussière au leader centriste. Et même si Alain Juppé, soutenu par le Modem à Bordeaux, plaide l’indulgence, au siège du parti, l’intransigeance reste de mise. "On veut voir Bayrou à terre et sans oxygène", prévenait ainsi un proche de Jean-François Copé à Europe 1 mi-octobre.

Le pari du divorce. Certains à l’UMP font aussi le pari d’un divorce rapide entre Borloo et Bayrou. D’abord face aux résultats électoraux. "Les échéances électorales vont peut-être ramener tout le monde à la raison", glisse ainsi un proche de Nicolas Sarkozy au JDD. Si François Bayrou était battu à Pau, il aurait en effet du mal à peser encore sur les débats politiques. D’autres comptent sur les querelles d’ego entre Jean-Louis Borloo et François Bayrou, deux hommes qui sont restés brouillés pendant onze ans et à qui l'on prête volontiers des ambitions présidentielles. "Quand on est dans la rationalité, la direction bicéphale d’un parti, c’est toujours très compliqué", pronostique ainsi Isabelle Balkany. "A un moment donné, il faut que quelqu’un prenne les décisions. Il faut que ça roule".

 

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