Hollande sur France 2 face aux Français : le courant est-il passé ?

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Margaux Baralon , modifié à
VU À LA TÉLÉ - Le président de la République a répondu en face à face à quatre Français, jeudi sur France 2. Mais sans jamais instaurer de véritable dialogue constructif.

Ils avaient été choisis avec soin. Quatre Français étaient jeudi soir invités à poser leurs questions directement à François Hollande sur le plateau de "Dialogues citoyens", diffusé sur France 2. Une entrepreneuse, la mère d'un jeune homme mort en Syrie après être parti faire le djihad, un électeur du Front national et un étudiant de gauche se sont prêtés à l'exercice. Mais entre questions vagues et réponses vagues, de véritable dialogue il ne fut que rarement question.

  • L'entrepreneuse, questions techniques et confusion

La première invitée était Anne-Laure Constanza, créatrice d'une entreprise de vente à distance de robes pour femmes enceintes. L'entrepreneuse, à la tête d'une quarantaine de salariés, interpellait le président de la République sur les "freins" à l'embauche. Mais le dialogue s'est vite révélé très confus, Anne-Laure Constanza reprochant notamment à François Hollande d'aligner des mesures sans grand rapport avec sa question ("Comment faire pour que recruter ne soit plus un risque en France ?").

La cheffe d'entreprise regrettait notamment de ne pas pouvoir embaucher plus de stagiaires ou de ne pas pouvoir proposer des contrats de moins de 20 heures hebdomadaires. Pourtant, elle a le droit de prendre jusqu'à 15% de ses effectifs en stage et il existe des dérogations au seuil minimal des 24 heures hebdomadaires pour les contrats à temps partiel. Rapidement, la discussion a viré à un rappel du code du Travail.

Anne-Laure Constanza a également fustigé la décision du gouvernement de surtaxer les CDD pour encourager l'embauche en CDI. Un "coup de massue" selon elle, qui préfère engager d'abord ses salariés sur des contrats courts avant de leur en proposer un pérenne. Sur ce sujet, François Hollande a défendu sa mesure ("Je ne vais pas stimuler l'embauche en CDD puisque 90% des embauches se font déjà en CDD") tout en sous-entendant qu'elle ne changeait pas grand chose, puisqu'elle n'était que "la prolongation" d'une surtaxation déjà existante. Difficile à suivre.

  • La mère d'un djihadiste, suite de chiffres et de constats

Apparue à de nombreuses reprises dans les médias, ainsi que dans la campagne anti-djihad du gouvernement, Véronique Roy, mère d'un jeune homme parti combattre en Syrie et décédé là-bas, était la seconde Française à discuter avec François Hollande. Si cet échange n'a donné lieu à aucune confrontation, il n'a pas non plus ressemblé à un véritable dialogue.

Les deux interlocuteurs se sont rapidement mis d'accord sur un constat : il faut "lutter contre les prêcheurs" radicaux, "partisans de la haine qui induisent la radicalisation". François Hollande a détaillé de nombreuses mesures déjà mises en place, égrené des chiffres (600 Français seraient actuellement en Syrie, dont 200 jeunes filles, 9.000 signalements pour radicalisation) et fait quelques promesses. Notamment celle de veiller à former les travailleurs sociaux "par rapport aux risques d'embrigadements" ou de fournir un certificat de décès aux parents dont les enfants sont décédés en partant faire le djihad.

Mais ces réponses ont semblé vagues et peu concrètes face au drame vécu par Véronique Roy, laissant planer une impression d'impuissance. Sans compter une erreur factuelle commise par François Hollande, qui a affirmé que la mosquée salafiste de Brest avait été fermée, alors qu'elle a simplement été perquisitionnée.

  • L'électeur Front national, longue mise au point

Conducteur d'autobus dans les Hauts-de-France, électeur du Front national par "colère", Antoine Demeyer a abordé le sujet de l'immigration. Là encore, ce n'est pas vraiment un dialogue qui s'est créé. Confronté à des erreurs factuelles et des approximations de la part de son interlocuteur, qui a par exemple affirmé que les migrants recevaient une aide financière, un logement et des soins gratuits, quand ce n'est en réalité le cas que des demandeurs d'asile, François Hollande a procédé à une longue mise au point.

Antoine Demeyer a par ailleurs parlé de la précarité, citant le cas de sa mère, coincée avec une petite retraite. La limite du principe de l'émission, qui permet à des citoyens d'exposer des cas personnels mais pas de les expliquer de manière approfondie faute de temps, a rapidement été atteinte.

  • L'étudiant de gauche, inversion des rôles

Marwen Belkaïd, étudiant en école de commerce de 22 ans, a été le dernier citoyen à se prêter à l'exercice. Celui qui a voté François Hollande en 2012 a engagé avec le président une discussion sur la jeunesse et la crise démocratique. Reprenant l'anaphore "Moi, président" utilisé par le candidat socialiste face à Nicolas Sarkozy lors du débat d'entre-deux tours il y a quatre ans, le jeune homme a inversé les rôles avec un "Vous, candidat" destiné à mettre en lumière les renoncements du chef de l'Etat.

La défense de François Hollande a paru fébrile, le président avançant les créations de postes dans l'Education nationale pour justifier son bilan auprès de la jeunesse. François Hollande a également pu se montrer confus : "les jeunes ne vivent pas moins bien, ils sont dans la précarité plus souvent." Quant à ses propos sur la démocratie participative, ils n'ont, une fois encore, pas permis de sortir des généralités. "Le suffrage universel ne suffit plus", a déclaré François Hollande. "Il faut aussi que vous [les jeunes] puissiez participer à la construction des textes de loi."