Benoît Hamon à la recherche d'un nouveau souffle

© PHILIPPE LOPEZ / AFP
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A la peine dans les sondages, le candidat PS a reçu l'aide de Bernard Cazeneuve et peut compter sur celui de Jean-Christophe Cambadélis. Il jouera très gros jeudi soir sur France 2. 

Ça ne va pas fort du tout pour Benoît Hamon. Le vainqueur de la primaire socialiste ne parvient pas à faire décoller sa campagne présidentielle. Il est à la peine dans les sondages et au sein même du PS, sa formation politique, les défections en faveur d’Emmanuel Macron se poursuivent, et de plus en plus de leaders font ouvertement part de leurs doutes. Même François Hollande entretient le flou sur sa position. La rencontre programmée à la dernière minute avec Bernard Cazeneuve n’a donc rien d’un hasard, alors que dans le même temps, le patron du PS Jean-Christophe Cambadélis appelle à l’unité. Malgré ses soutiens, le salut doit venir du candidat lui-même, qui devra impérativement réussir son passage à L’Emission politique, jeudi soir sur France 2.

Sondages en berne et doutes à tous les étages

Pendant des semaines, François Fillon  a pris toute la lumière, empêtré que le candidat de droite était dans ses affaires. Mais depuis que l’ancien Premier ministre a finalement réussi à se dépêtrer d’une situation quasi-désespérée, ce sont les difficultés de Benoît Hamon qui ont sauté aux yeux des observateurs. Bien aidés en cela par deux indicateurs : les sondages d’intentions de vote et l’état d’esprit des troupes socialistes.

Les premiers sont en effet peu flatteurs pour le député des Yvelines. La troisième place est très loin, et sa place de quatrième homme est même menacée par Jean-Luc Mélenchon. Dans le dernier sondage Harris Interactive pour France Télévisons, Benoît Hamon ne recueille que 13% des intentions de vote, juste devant Jean-Luc Mélenchon (12%), loin derrière François Fillon, troisième avec 20%. Et dans le rolling Ifop pour Paris Match, lancé le 1er février le candidat PS est passé de 18% à 13,5 ; quand le candidat de la France insoumise progressait, de 9 à 11,5%.

Ces mauvais résultats ne sont sans doute pas innocents dans les doutes qui traversent le camp même de Benoît Hamon. Si le député des Yvelines avait toutes les chances de rallier le second tour, l’aile droite du PS hésiterait-elle à rallier Emmanuel Macron ? Les ministres eux-mêmes seraient-ils aussi frileux au moment de soutenir leur candidat naturel ? François Hollande lui-même, dont le silence assourdissant embarrasse Benoît Hamon, observerait-il une telle réserve ? C’est peu probable. Le fait est que le camp socialiste est traversé par le doute, face à la défaite qui, pour l’heure, semble se dessiner.

Le vote utile, un handicap ?

En 2007 et 2012, les candidats socialistes en ont profité. Cette fois, Benoît Hamon pourrait bien pâtir du vote utile, ce réflexe électoral qui pousse les électeurs à voter pour le candidat le mieux placé pour se qualifier pour le second tour. Or, face à un Front national très haut, c’est pour l’heure Emmanuel Macron qui est le mieux placé pour lui faire barrage et surtout éviter une second tour entre la droite et l’extrême droite. "La question du vote utile est posée", admettait mercredi un poids lourd du gouvernement à l’AFP.

Sans utiliser l’expression, Bertrand Delanoë a donné plus de forces encore à cette hypothèse en annonçant mercredi son ralliement à Emmanuel Macron. Selon l’ancien maire de Paris, il s’agit ainsi de "donner le maximum de force au premier tour au candidat qui peut battre Mme Le Pen". Et c’est en vertu de la même logique que d’autres pourraient suivre. Les noms de Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, et de Michel Sapin, à l’Economie, circulent avec insistance. Et nul doute qu’ils brandiront eux aussi la nécessité de faire barrage à Marine Le Pen au moment de leur éventuel ralliement.

Benoît Hamon lui-même est conscient du danger. Alors mardi soir à Marseille, il a tapé fortt contre Emmanuel Macron. "Qui peut croire que c'est le vote utile ? Pas utile aux enseignants, pas utile à celui qui a travaillé dur, pas utile à celle qui travaille dans un hôpital", a attaqué le candidat PS. "oui, utile à qui ? Aux grands lobbys industriels, à celles et ceux qui veulent la suppression de l'ISF. Ce projet là, ça n'est pas le vote utile contre le Front national. C'est au contraire le projet qui en France comme ailleurs peut accélérer la montée en puissance du Front national", a-t-il fustigé.

Cazeneuve et Cambadélis à la rescousse

La situation est critique, et elle pousse certains à agir. Jean-Christophe Cambadélis d’abord. Ce n’est pas la première fois que le premier secrétaire du PS appelle à l’unité, même s’il peine à tenir ses troupes. Dans Le Parisien jeudi, il réfute justement cette tentation du vote utile. "Nous seront tous derrière le candidat républicain au second tour. Alors pourquoi se précipiter et charger la barque Macron ?", s’interroge le député de Paris. "Je dis à tous les socialistes tentés par Macron de garder leur sang-froid !"

Plus important est le soutien, appuyé cette fois, de Bernard Cazeneuve. Le Premier ministre s’est rendu jeudi en fin de matinée au QG de campagne de Benoît Hamon, pour un rendez-vous décidé la veille au soir. Le prétexte ? Discuter de la sécurité et des questions migratoires. L’objectif réel : montre que le candidat compte des soutiens de poids. Au moins celui-là. Le chef du gouvernement a juré qu’il apportait "un soutien sans condition au candidat", au sortir de leur entrevue. Mais il lui a aussi rappelé publiquement que le candidat était dans "un moment où il faut rassembler sa famille politique". Un soutien donc, mais qui aurait pu être plus être poussé.

Une obligation de réussite lors des passages télévisés

Benoît Hamon n’a donc pas le droit à l’erreur lors des temps forts de sa campagne. Il y aura le débat du 20 mars sur TF1, mais le premier rendez-vous médiatique d’importance a lieu dès jeudi soir, puisqu’il participera à L’Emission politique, sur France 2. Un exercice qui avait permis, en son temps, à François Fillon, de décoller avant la primaire de la droite. Le candidat du PS devra, lui, non seulement convaincre sur ses mesures les plus critiquées, le revenu universel en particulier, et développer sa vision de l'Europe. Car c'est aussi sur le fond qu'il compte relancer la campagne. Dans Le Monde de jeudi, il redit ainsi sa volonté de voir la crétion d'une Assemblée démocratique de la zone euro, la constitution dune Europe de la Défense, et la fin des politiques d'austérité dans l'Union. 

Mais Benoît Hamon devra aussi donner certains gages à son aile droite, car c'est sa ligne radicale qui en rebute plus d'un. S’il s’y refusait, la saignée vers Emmanuel Macron pourrait prendre des allures d’hémorragie fatale. Et toute chance de qualification pour le second tour pourrait s’envoler.