Guyane : la ministre des Outre-mer reste à Paris et suscite un tollé

Ericka Bareigts
La ministre des Outre-mer, Ericka Bareigts, est restée à Paris malgré un climat social très tendu en Guyane. © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
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M.B. , modifié à
Ericka Bareigts estime que les conditions d'un "dialogue" ne sont pas réunies. Plusieurs personnalités politiques dénoncent un mépris à l'égard de cette région d'outre-mer, en proie à des mouvements sociaux d'ampleur.

Elle appelle "au calme", réclame un "dialogue serein". Mais Ericka Bareigts, ministre des Outre-mer, reste dans ses bureaux à Paris pour gérer la crise sociale en Guyane. Le territoire ultramarin est pourtant en proie à d'importants mouvements sociaux. Accès aux soins, éducation, sécurité… de nombreux collectifs et syndicats multiplient les revendications. Ils ont appelé à la grève générale lundi. Et réclament la venue d'Ericka Bareigts, en vain.

Pas de déplacement sans dialogue. "La situation est tendue " en Guyane, a acté la ministre, lundi, sur Europe 1. "Cette situation, nous la suivons de très près. Nous sommes au travail." Si elle envoie une délégation interministérielle (composée exclusivement de hauts fonctionnaires) et ne se déplace pas, c'est que la responsable politique estime que les conditions d'un "dialogue" ne sont pas réunies. "Si nous ne pouvons pas dialoguer, il n'y a pas de déplacement possible puisqu'il n'y a pas de travail possible." Une source gouvernementale l'assure, "il ne s'agit pas d'avoir peur de se rendre sur place". Mais le sentiment d'abandon est bien là. Et n'a pas échappé au reste de la classe politique.

"Bossez et allez sur place". À droite, Nicolas Dupont-Aignan, candidat à la présidentielle, a tiré sur le gouvernement dimanche, dans un communiqué. Selon lui, "l'envoi d'une simple mission de hauts fonctionnaires est, à juste titre, perçu comme l'expression d'une forme de mépris" par les Guyanais. Le vice-président du Front national, Florian Philippot, a lui directement interpellé Ericka Bareigts sur Twitter, lundi matin. "Bossez et allez sur place au lieu de faire de la politique politicienne. Nos compatriotes d'outre-mer en ont marre d'être négligés."

"À ce point inutile, elle devrait démissionner", s'est agacée Nadine Morano, eurodéputée Les Républicains.

"Ceux qui devraient être là, ce sont les ministres". À gauche, l'eurodéputé EELV rallié à Benoît Hamon, Yannick Jadot, s'est étonné du non-déplacement d'Ericka Bareights. "Je ne comprends pas pourquoi la ministre des Outre-mer n'est pas sur place", a-t-il fustigé au micro de Sud Radio et Public Sénat. "Vous avez une situation qui est en train de se cristalliser. Il y a un moment donné, quand vous êtes vous-mêmes une condition du dialogue, il faut se rendre sur place."

Raquel Garrido, porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, a également souligné sur Franceinfo lundi la présence d'une délégation de hauts fonctionnaires. "Ceux qui devraient être là, ce sont les ministres."

Le gouvernement riposte. Les critiques ont été si vives que le gouvernement a réagi ce week-end, dénonçant dans un communiqué une "instrumentalisation" politique de la situation en Guyane. "L'invective, l'outrance et l'approximation dont [certains candidats à la présidentielle ou leur porte-parole] ont fait preuve contribuent à attiser les désordres qui perturbent la vie de nos concitoyens guyanais", écrivent ainsi Matthias Fekl, nouveau ministre de l'Intérieur, et Ericka Bareigts. "Le gouvernement est pleinement à la tâche, mobilisé pour parvenir à l'amélioration rapide de la situation sur le terrain." 

La politique étant affaire autant de symboles que d'actes, l'exécutif a bien conscience de devoir apporter la preuve de sa mobilisation dans les heures ou les jours à venir, sous peine de voir la polémique enfler. Le Premier ministre, Bernard Cazeneuve, a d'ailleurs annoncé lundi midi qu'il enverrait une "délégation ministérielle" en Guyane "avant la fin de la semaine". "Si toutefois les conditions du respect -et j'insiste sur ce point- et de l'ordre républicain sont réunies."