Gaston Flosse, roi déchu de Polynésie

Gaston Flosse (à droite), avec son ami Jacques Chirac.
Gaston Flosse (à droite), avec son ami Jacques Chirac. © Reuters
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avec AFP , modifié à
POUR GASTON, LA BAFFE - Impliqué dans une affaire d’emplois fictifs, le président de la République de Polynésie est déclaré inéligible pour trois ans et doit quitter son poste.

Le naufrage judiciaire de "l’insubmersible". Impossible de remettre en cause l’exceptionnelle capacité de résilience de Gaston Flosse. Trois décennies de règne sur la Polynésie française et une dizaine d’apparitions dans des affaires judiciaires auront prouvé aux plus sceptiques que celui qu’on surnomme "l’insubmersible" mérite ce sobriquet.

Trente ans de règne. Pourtant, l’annonce faite vendredi par le haut-procureur de la République en Polynésie française de son inéligibilité semble signer la fin d’une carrière politique truculente. A 83 ans, Gaston Flosse est donc démis de ses fonctions de président de la Polynésie française, mandat qu’il aura tout de même assumé à quatre reprises entre 1984 et 2014.

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La gaffe de Gaston. En cause, une énième affaire judiciaire, dans laquelle le nom de "Papa Flosse" apparaît. Une affaire qui n’est pas sans rappeler celle des emplois fictifs de la mairie de Paris qui avait impliqué son grand ami et ardent défenseur de métropole Jacques Chirac, puisque Gaston Flosse a été condamné à trois ans d’inéligibilité, quatre ans d’emprisonnement avec sursis et 125.000 euros d’amende pour avoir "employé" plus de 1.000 personnes pendant dix ans à la présidence et à l’assemblée. En réalité, ces personnes, le plus souvent des proches de Gaston Flosse, ne fréquentaient guère ces institutions, et leur salaire finançait le Tahoreraa Huiraatira, le parti dont il est fondateur.

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Coup de griffe du "vieux lion". Le désormais ex-président de la Polynésie française a pour l’instant perdu un combat judiciaire de longue haleine. Le 4 octobre 2011, il était condamné en première instance. Une décision confirmée en appel, puis en Cassation le 23 juillet dernier. Le 4 septembre, le "vieux lion" tente un dernier coup de griffes en demandant à la cour d’appel de Papeete un relèvement de peine qui lui permettrait d’échapper à l’inéligibilité. Demande refusée, puis grâce refusée le lendemain par François Hollande. Ne reste plus qu’un dernier recours à Gaston Flosse : un référé devant le Conseil d’Etat.  Dépossédé de son mandat exécutif, Gaston Flosse conserve (pour l’instant) son siège de sénateur qu’il occupe depuis 1998. Seule une procédure conjointe du Sénat, du Conseil Constitutionnel et du ministère de la Justice pourrait l’en faire partir.  

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"Papa Flosse" pense à sa succession. Mais il n’y aura pas être pas besoin d’en arriver là puisque les élections locales qui se tiendront en septembre devraient permettre d’assurer sa succession. "Papa Flosse" pourrait devenir un papa poule : au Sénat, où la Polynésie offrira deux sièges à pourvoir, il pousse les candidatures de Teura Irti, l’une de ses élues, mais aussi celle de son gendre actuel, l’avocat Vincent Dubois. Autre bénéficiaire de la mainmise politique de Gaston Flosse sur l’archipel : son ex-gendre, Edouard Fritch, qui devrait lui succéder à la présidence grâce à une confortable majorité à l’Assemblée (38 sièges sur 57).

Gaston Flosse, roi du "killer". Dans leur enquête parue en 2013 -L’Homme qui voulut être roi- les journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme brossent le portrait d’un homme à la vie privée aussi tumultueuse que ses démêlées politico-judiciaires. Gaston Flosse est un grand jouisseur, amateur de "killer", un cocktail très chargé à base de rhum et de citron vert que le maître de la Polynésie faisait couler à flots lors de ses soirées. Parmi les invités, Jacques Chirac, dont il a été secrétaire d’Etat de 1986 et 1988, ne boudait pas son plaisir.

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Les deux hommes ont lié une solide amitié, soldée par de nombreux services politiques mutuels. Flosse a soutenu la reprise des essais nucléaires dans le Pacifique quand Chirac a appuyé un transfert budgétaire de l’Etat vers la collectivité polynésienne. Outre ses relations politiques, Gaston Flosse a aussi construit ses succès sur une relation de proximité avec ses administrés, notamment grâce à sa maîtrise du Tahitien.  

Quinte Flosse. Mais contrairement à son alter ego de métropole depuis plusieurs années retiré de la vie politique, Gaston Flosse n’a pas l’intention de quitter l’arène. Alors que le vice-président Nuihau Laurey assurera l’intérim, le "Tahiti Boss" n’exclut pas de se représenter en 2017, à la fin de sa période d’inéligibilité.  Il n’aura "que" 86 ans.