"Il faut laisser encore un peu de temps" à Valls, plaide Rocard

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INTERVIEW E1 - L'ancien Premier ministre socialiste Michel Rocard regrette la vision trop court-termiste et idéaliste des politiques.

"Le livre s'adresse à tous ceux qui ne comprennent rien, qui sont agacés de voir qu'il nous arrivent plein d'horreur, que l'on ne sait pas pourquoi ni d'où ça vient". L'ancien Premier ministre socialiste Michel Rocard était jeudi l'invité d'Europe1, pour revenir sur son livre au titre déstabilisant : "Suicide de l'occident, suicide de l'humanité ?"

"Il y a des chaudrons qui bouillent". Dans cet ouvrage, l'ancien homme d’État dresse le portrait d'un monde sous tension. Et selon lui, c'est le manque de vision à long terme, absente de tous les pays et de toutes les instances quelles qu'elles soient, qui rendent possible ces tensions. "La politique aujourd'hui, dans l'ensemble des pays, à l'ONU, fonctionne trop à court terme. Or, la crise elle est mondiale. Elle n'est même pas européenne, elle est d'abord américaine, elle est mondiale", insiste-t-il.

Selon l'ancien Premier ministre, l'enjeu économique doit être prioritaire. Car c'est en laissant dégénérer l'économie que dégénère le reste. Ukraine, Japon et Chine, Moyen Orient... "Il y a des chaudrons qui bouillent, de nombreuses zones de violence. Attention, les problèmes économiques et de développement mal traités peuvent dégénérer".

Frondeurs, FN "font mal le calcul". Le gouvernement français n’échappe pas au constat, ni même Manuel Valls, son ancien collaborateur aujourd'hui Premier ministre. "Certainement et certainement contre son gré", il participe à ce manque de vision et aux pertes qu'elle entraîne. "Mais il faut lui laisser encore un peu de temps", prévient Michel Rocard.

Une manière de dire que dans l'opposition aussi, on manque un peu de vision à long terme aussi. "Notre pays pâtit d'une grande impatience. Tout le monde veut tout, tout de suite. C'est vrai des communistes, c'est vrai des frondeurs, c'est vrai aussi du Front national. [...] Ils en demandent trop, ils ne se rendent pas compte. Ils font mal le calcul du possible et de l'impossible", martèle Michel Rocard.

Face à cela, il n'y a pas de solutions idéales. Et dans ce cadre, la "Sociale démocratie"est un "régime qui fait moins de dégâts que d'autres", selon Michal Rocard, qui conclut : "C'est la plus subtile, juste. Il n'y a pas de paradis sur terre. Dans le registre du moins mauvais, je trouve que la Sociale démocratie demeure ce qu'il y a de mieux".

Le "recordman du 49-3". Michel Rocard est également revenu sur l'usage du 49-3 par Manuel Valls pour faire passer la loi Macron à l'Assemblée, où il craignait de ne pas avoir la majorité face à la fronde d'une partie de son camp. "Si vous vous souvenez, je suis un des recordmen de l'emploi du 49-3 !", a-t-il rappelé.

Michel Rocard a en effet utilisé 28 fois cet article de la constitution, qui permet d'engager la responsabilité du gouvernement sur un texte de loi, lorsqu'il était Premier ministre entre 1988 et 1991. Le PS ne disposait, à l'époque, que d'une majorité relative à l'Assemblée. "J'étais le seul à ne pas avoir de majorité. Je suis le seul Premier ministre à avoir utilisé le 49-3 comme le voulait De Gaulle : pour remplacer une majorité absente. Tous mes collègues, y compris Valls, l'ont utilisé pour intimider leur propre majorité réticente. Ce n'est pas le même usage".

>> Pour écouter l’intégralité de l'interview, c'est ici :

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