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William Galibert, avec A.H. , modifié à
Le président de la République présente mardi après-midi sous la Coupole son plan pour développer la francophonie. Le président de la "start-up nation" ne craint pas le paradoxe et l'assume.

Pour la première fois, mardi après-midi, un président de la Vème République en exercice va s'exprimer devant l'Académie française. Devant les gardiens de la langue, Emmanuel Macron va préciser les contours de son plan pour développer la francophonie. Le président ambitionne de faire du français la troisième langue la plus parlée dans le monde (elle est au cinquième rang aujourd'hui, avec près de 300 millions de locuteurs). Emmanuel Macron manie pourtant l'anglais plus que tous ses prédécesseurs réunis.

L'avènement du "franglais". À longueur de discours, Emmanuel Macron présente la France comme "une start-up nation". Il vante en version originale les nouvelles technologies, les "green-tech", "clean-tech", la "silver-economy", le "crowdfunding". Le "franglais" fait bel et bien partie de la rhétorique macronienne. Mais sous la coupole, entouré d'Immortels, le chef de l'Etat va se tenir à une langue plus académique. Si le message du jeune président polyglotte séduit peut-être les rois de l'économie à Davos, ou les grands patrons réunis à Versailles, il aurait de quoi choquer un tantinet les gardiens de la langue française.

Parler anglais aide la francophonie. Emmanuel Macron assume totalement le paradoxe. "Je n'hésite jamais à m'exprimer à la fois en français et en anglais, sur des scènes internationales, devant des milieux d'affaire. Je pense que ça renforce la francophonie de montrer que le français n'est pas une langue enclavée, mais une langue qui s'inscrit dans le plurilinguisme. Je considère que c'est la bonne grammaire pour défendre le français partout dans les enceintes internationales", assure-t-il, avant d'ajouter : "Je ne fais pas partie des défenseurs grincheux".

Macron, marqué par son passé professionnel. Invité de la Matinale d'Europe 1 mardi, Jean-Christophe Rufin, membre de l'Académie française, s'amuse des digressions de langage du président, mais y voit l'héritage de son passé professionnel. "Comme beaucoup, il est prisonnier du fait que dans certains milieux - notamment la banque et l'Internet - l'anglais a pris une place considérable. Il vient de ces mondes, et forcément, il en est marqué", analyse-t-il, au micro de Patrick Cohen. "Toutes les conversions sont à prendre en compte, même si elles sont tardives", glisse-t-il, amusé. Il salue par ailleurs le "sincère désir du président d'avoir une grande politique de francophonie".  

Quels moyens ? Une trentaine de mesures doivent être annoncées pour renforcer l'enseignement du français, notamment en Afrique. "C'est un défi énorme. Ce sont des populations très jeunes qu'il va falloir accompagner à l'école", avance Jean-Christophe Ruffin. Répondant à certaines critiques, l'écrivain, lauréat du prix Goncourt, considère que mener une politique francophone ne revient pas à mener une politique coloniale. Il ne faut pas y voir non plus "la défense du pré carré gaulois". "C'est plutôt la diversité linguistique qu'on défend", assure-t-il.

Mais les moyens dédiés seront-ils en accord avec les ambitions présidentielles ? Les spécialistes attendent le détail du plan d'action avant de dire qu'en matière de langue "France is back".

>> Ecoutez l'interview de Jean-Christophe Rufin en intégralité ci-dessous :