1er mai : le défilé de la rupture pour le FN ?

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Louis Hausalter , modifié à
MISE EN SCÈNE - Après la querelle familiale, Marine Le Pen veut reléguer son père à un statut de figurant. Mais le comportement du fondateur du FN reste imprévisible.

Pour le Front national, la fête est gâchée. Fort de sa performance aux élections départementales de mars, le parti de Marine Le Pen comptait parader en position de force, vendredi, pour son traditionnel défilé parisien du 1er mai. Raté ! La discorde publique entre la présidente du FN et son père, après les propos de Jean-Marie Le Pen sur les chambres à gaz et le maréchal Pétain, a plombé l'ambiance. Pour la direction du FN, tout l'enjeu de ce défilé est désormais de mettre en scène une rupture qui se veut définitive.

Marginaliser le père. Marine Le Pen a énoncé elle-même sa difficile équation, la semaine dernière sur iTÉLÉ : "la meilleure solution, c'est que Jean-Marie Le Pen puisse conserver sa liberté de parole, mais que sa parole n'engage pas le Front national". Plusieurs mesures ont donc été prises afin de marginaliser le plus possible le fondateur du FN lors du défilé.

D'abord, Jean-Marie Le Pen sera privé de micro : pas question de lui laisser prendre la parole devant les militants. Dans l'entourage de Marine Le Pen, on fait valoir que traditionnellement, le président du parti est toujours seul à prendre la parole le 1er mai. Pourtant, cela n'a pas toujours été le cas depuis que Marine Le Pen a pris la tête du parti il y a quatre ans. Certes, Jean-Marie Le Pen n'avait pas parlé en 2011 et 2013. Mais il s'est bel et bien exprimé à la tribune en 2012, à l'occasion du 600e anniversaire de la naissance de Jeanne d'Arc. Et il avait encore harangué les militants l'an dernier, alors que les élections européennes se profilaient.

Pas de siège sur l'estrade. Mais la direction du FN ne s'en tient pas là. Jean-Marie Le Pen sera aussi privé de siège sur l'estrade dressée place de l'Opéra. Un coup dur pour celui qui a toujours eu sa place réservée au premier rang. Raison officielle : le parti a choisi de mettre en avant cette année ses 62 conseillers départementaux élus en mars. Ce sont donc eux qui entoureront la présidente du FN, alors que les ténors du parti seront tenus à l'écart.

A en croire le Canard enchaîné, c'est Florian Philippot qui a mis au point cette scénographie. On sait le vice-président du FN en charge de la communication particulièrement en froid avec Jean-Marie Le Pen. Contacté par Europe 1, le député européen dément formellement cette version. "Je n'ai pas participé à une seule réunion sur l'organisation" du défilé, assure-t-il.

"Il n'y a pas la volonté d'exclure qui que ce soit, mais de mettre en avant l'ancrage local du Front national et le contenu du discours de la présidente sur l'immigration, l'islamisme, le chômage", poursuit Florian Philippot. Le bras droit de Marine Le Pen reconnaît "un contexte particulier" mais qui, selon lui, "n'aggrave pas quoi que ce soit".

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© Au défilé du FN, le 1er mai 2014. PIERRE ANDRIEU / AFP

Incontrôlable. Il n'est pourtant pas écrit que le programme se déroulera sans anicroche. L'entourage de Jean-Marie Le Pen a confirmé qu'il serait bien là, en dépit de sa récente hospitalisation. Et Marine Le Pen est mieux placée que quiconque pour le savoir : son père est incontrôlable. La présidente du FN ne pourra pas empêcher micros et caméras de se jeter vers le patriarche. Même si les révélations de cette semaine sur un compte présumé en Suisse sont susceptibles de faire diversion, en reléguant au second plan les querelles politico-familiales.

"Il se passera ce qu'il doit se passer". "Qu'on soit président d'honneur ou simple adhérent, chacun doit observer la discipline et les instructions données", tonne Wallerand de Saint-Just, le trésorier du FN. Mais cet historique du parti le concède : "si certains veulent semer le trouble, on ne pourra pas les empêcher. Les journalistes font ce qu'ils veulent et Jean-Marie Le Pen aussi". Et d'ajouter, résigné : "il se passera ce qu'il doit se passer. De toute façon, on s'en relèvera".

Et même si le défilé échappe aux couacs, le FN ne pourra pas savourer longtemps son moment de répit. Lundi, le bureau exécutif du parti doit se réunir pour examiner d'éventuelles sanctions contre Jean-Marie Le Pen après ses propos polémiques. Le fondateur du FN n'a pas fini de donner des sueurs froides à ses successeurs.

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