Fin de vie : vers un consensus raté ?

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SOUS TENSION - La proposition de loi Claeys-Leonetti arrive mardi à l'Assemblée. Mais au sein du PS, de nombreux députés trouvent ce texte insuffisant, tandis qu'à droite, certains élus jugent au contraire qu'il va trop loin.

L'Assemblée nationale se penche à partir de mardi sur le délicat sujet de la fin de vie. Une proposition de loi élaborée par les députés Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP) arrive dans l'Hémicycle. Ce texte prévoit notamment le droit à une "sédation profonde et continue" pour les malades aux souffrances incurables. Il rend aussi contraignantes les directives anticipées permettant à chacun d'exprimer sa volonté en fin de vie. Des mesures que l'exécutif veut consensuelles, mais qui suscitent des réticences. A gauche, certains trouvent ce texte trop timide. Et à droite, d'autres jugent au contraire qu'il va trop loin.

Hollande prudent. François Hollande, dont l'engagement 21 de la campagne présidentielle prévoit que chacun "puisse terminer sa vie dans la dignité", avance pourtant avec prudence sur ce terrain miné, soucieux de ne pas réveiller les clivages du mariage homosexuel. Le chef de l'Etat soutient la proposition de loi, directement issue d'un rapport qu'il avait commandé aux députés Claeys et Leonetti. Mais le consensus qu'il appelle de ces vœux pourrait se trouver menacé lors du débat parlementaire. La preuve : pas moins d'un millier d'amendements ont été déposés.

Une fronde à gauche ? A gauche, d'abord, 122 députés socialistes (sur les 288 que compte le groupe) estiment que le texte est insuffisant et ont signé un amendement introduisant une "assistance médicalisée à mourir". Une nouvelle fronde en vue dans la majorité ? Le député du Nord Bernard Roman, signataire de l'amendement, se défend de vouloir fragiliser le texte. "Ce compromis permet indéniablement d'avancer, mais une mesure comme la sédation profonde et continue n'est pas suffisante à mes yeux", explique-t-il à Europe 1. Bernard Roman prône toutefois "un climat serein et apaisé". "Il s'agit de savoir s'il y a une majorité pour élargir ce compromis, pas de fracturer la représentation nationale, ni la majorité", assure-t-il.

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Des députés de droite disent non aux texte. Ces nouveaux "frondeurs" pourront en tout cas compter sur le soutien des écologistes et des radicaux de gauche, partisans de la légalisation de l'euthanasie. Mais ils trouveront sur leur chemin une frange d'élus de droite qui, au contraire, considèrent que cette proposition de loi va trop loin. En janvier, une vingtaine de députés UMP avaient signé une tribune au Figaro alertant sur les "dangers" que présenterait le texte.

"On n'a pas besoin de nouveau texte sur la fin de vie", tranche Xavier Breton, député UMP de l'Ain et membre de l'Entente parlementaire pour la famille. Ce collectif, qui avait bataillé ferme contre le "mariage pour tous", compte bien mener une nouvelle bataille rangée. "La loi Leonetti de 2005 suffit, il faut surtout une meilleure information et une meilleure application", plaide Xavier Breton. "Le but de notre démarche est de lever les ambiguïtés, notamment sur la sédation profonde : est-ce que ça veut dire une aide active à mourir ?"

Appel de responsables religieux. La société civile aussi se mobilise autour de cette discussion. Dans une tribune publiée lundi dans Le Monde, des représentants des religions chrétienne, musulmane et juive font part de leur inquiétude et appellent "à ce que soit préservé l'interdit de tuer". Le mouvement "Soulager mais pas tuer", opposé à la proposition de loi, appelle de son côté à un rassemblement mardi près de l'Assemblée nationale. Tout comme les pro-euthanasie, emmenés par l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), elle non plus pas satisfaite du texte, pour des raisons inverses. Le consensus, "c'est pas facile", comme dirait François Hollande.

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