Européennes : le FN met le paquet

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avec Aurélie Herbemont , modifié à
Dans la foulée d’élections municipales réussies, le parti de Marine Le Pen vise la première place le 25 mai.

Voilà plusieurs mois que le Front national se revendique, sporadiquement mais régulièrement, comme "le premier parti de France". Depuis octobre 2013, en fait, et une victoire lors de la cantonale partielle à Brignoles, dans le Var. Un brin exagérée, cette affirmation pourrait tout de même prendre corps lors des élections européennes du 25 mai. Selon plusieurs sondages (voir ci-dessous) en effet, le parti de Marine Le Pen pourrait bien arriver en tête de ce scrutin proportionnel à un tour. C’est en tous cas son ambition assumée, et la présidente du FN y a mis les moyens.

La première place sinon rien. Marine Le Pen le répète à l’envi, le FN ne vise que la première place au soir du 25 mai. "Notre objectif, c'est d'arriver en tête au niveau national", a encore martelé la présidente du Front national samedi lors d’un déplacement à Brive-la-Gaillarde, en Corrèze. "Je pense que nous pouvons arriver en tête dans de nombreuses régions et au moins seconds ailleurs", précise celle qui conduira la liste FN dans le Nord-Ouest, l’une des huit grandes circonscriptions délimitées pour le vote européen. Plusieurs sondages sont venus apporter de l’eau aux ambitions frontistes. A chaque fois, le parti de Marine Le Pen est au coude-à-coude avec l’UMP pour la première place. Le PS est lui décroché.

Et si le FN veut arriver en tête, ce n’est pas tant pour peser sur la politique de l’Union européenne que sur les enjeux nationaux. "Valls et Hollande ne pourront pas faire comme si de rien n’était devant un Front national en tête devant les urnes, devant une volonté aussi massive de renoncer aux errements de l’UMPS", veut croire Marine Le Pen dans le Figaro. "Ils seront donc obligés de rendre les armes. La dissolution de l’Assemblée nationale sera leur seule porte de sortie", rêve-t-elle tout haut.

Des têtes de liste (presque) connues... Et pour battre la campagne, le FN n’a pas envoyé n’importe qui au Front. Parmi les huit têtes de liste, quatre, voire cinq, bénéficient d’une notoriété certaine, alors même que leur formation manque de leaders visibles. Marine Le Pen elle-même mènera le combat dans le Nord, alors que son père, toujours très populaire parmi l’électorat frontiste, fera le boulot dans le Sud-Est. Les deux vice-présidents du FN, Louis Aliot et Florian Philippot, seront aussi de la partie. Le premier dans le Sud-Ouest, le second dans l’Est. Bref, tous les ténors du parti seront sollicités.

Aymeric Chauprade 18/11/2013

Force est de reconnaître que les autres têtes de liste FN sont elles peu connues du grand public, symbolisant cette difficulté de la formation d’extrême droite de dégager des leaders. Aymeric Chauprade (photo), en Ile-de-France, est sans doute le moins méconnu, puisqu’il avait défrayé la chronique en 2009 en remettant en cause la thèse officielle sur les attentats du 11-Septembre. Ce géopoliticien reconnu mais controversé est par ailleurs le conseiller spécial de Marine Le Pen pour les relations internationales. Les autres têtes de liste FN restent largement anonyme. Il s’agit de Gilles Lebreton, dans l’Ouest, de Bernard Monot, dans le Centre, et de Marie-Luce Brasier-Clain, pour l’Outre-mer. Chacune de ces têtes de liste ont une feuille de route claire : elles ont pour consigne de faire un déplacement par département, plus deux grosses réunions publiques.

Marine Le Pen en première ligne. La présidente du FN ne ménagera pas sa peine jusqu'au 25 mai. Elle viendra soutenir chaque tête de liste dans chaque grande circonscription. La fête de Jeanne d’Arc du 1er mai fera office de grand meeting.  Un autre est prévu à Paris le 18 mai.

Un groupe d’eurosceptiques fort, mais… Mais Marine Le Pen compte aussi sur un mouvement plus profond, qui engloberait tous les mouvements eurosceptiques, pour ne pas dire nationalistes, d’Europe. C’est pourquoi elle s’est rapprochée de plusieurs mouvements contestataires, parfois très controversés, comme le PVV néerlandais de Geert Wilders (photo) ou le Parti de la liberté (FPÖ) autrichien. L’objectif est clair : atteindre, à eux tous, les 25 députés, venus d’au moins sept pays différents pour constituer un groupe d’eurosceptiques au Parlement européen. Et ainsi pouvoir déposer des motions de résolution et des amendements soumis au vote.

wilders et le pen

Car voilà bien la stratégie du Front national : intégrer une institution honnie, l’Union européenne, pour la gangréner de l’intérieur. "L’objectif est de peser au maximum dans cette enceinte pour limiter la casse, en utilisant toutes les armes qui seront à notre disposition", assume Marine Le Pen dans Le Figaro. "En étant nombreux et en formant un groupe, nous serons beaucoup plus forts qu’aujourd’hui, nous aurons des moyens humains et matériels, et nous pourrons pousser dans leurs retranchements les ayatollahs du libre-échange intégral, de l’euro fort et de l’immigration à tout-va. Nous leur mènerons une vie très dure", prévient encore la présidente du FN.   

Gare à l’excès de confiance. La partie n’est pas pour autant gagnée pour le FN. A trop plastronner son ambition d’arriver en tête, le parti de Marine Le Pen risque fort de déchanter si l’UMP le devance. Et même avec un gros score, au-delà des 20%, il sera difficile désormais de crier victoire avec une deuxième place. Pourtant, le FN risque bien d'exploser son meilleur score historique aux européennes, 11,73% en 1989. En 2009, le part frontiste n'avait recueilli que 6,3% des voix.

Un autre écueil vient des alliés potentiels du FN en Europe. Tous n’accourent pas pour se montrer aux côtés d’un parti qui souffre encore d’une bien mauvaise image chez nos voisins européens. Dès l’automne, le Parti populaire danois a envoyé une fin de non-recevoir à Marine Le Pen. Il a été imité lundi par le Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (Ukip). "L'antisémitisme est dans l'ADN du [Front national]", a lâché  son leader Nigel Farage. La dédiabolisation du FN, qui semble efficace dans l’Hexagone, n’a pas encore franchi toutes les frontières.