Européennes : des élections fatales au Front de gauche ?

Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent.
Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent. © MAXPPP
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DIAGNOSTIC - Les bannières du Front de gauche ont parsemé les défilés du 1er mai. Mais la santé de l'alliance est précaire.

Au milieu des divisions syndicales, le cortège du Front de gauche a semblé bien unifié lors des défilés du 1er mai. Jean-Luc Mélenchon, co-président du Parti de gauche, et Pierre Laurent, patron du PCF, ont défilé sous la même bannière, à Paris. Pourtant, l'alliance est chancelante. Si ses composantes ont réussi à s'entendre pour constituer des listes autonomes aux élections européennes du 25 mai, cela ne s'est pas fait sans heurts. Et "l'explosion nucléaire du Front de gauche", pour reprendre l'expression de Clémentine Autain, menace.

GAUCHE UNITAIRE PREND SES DISTANCESAVEC LE "BATEAU IVRE"

Christian Picquet Jean-Luc Mélenchon

Dernier signe en date de la fragilité de l'union: l'un de ses fondateurs, Christian Picquet, a annoncé que son mouvement, Gauche unitaire, suspendait sa participation aux instances nationales. "Le Front de gauche apparaît de plus en plus comme un bateau ivre que ne rassemblent ni une stratégie cohérente ni un discours audible de la gauche et du peuple", écrit-il, dans une lettre relayée par Le Monde.

Christian Picquet est, certes, fragilisé au sein de l'alliance. La majorité de ses alliés de gauche unitaire l'ont quitté pour former Ensemble, désormais troisième composante du Front de gauche. Et cela explique en partie sa décision de se mettre au ban. Mais il dénonce surtout la répartition des candidats pour les européennes. Son parti n'a hérité d'aucune tête de liste, puisqu'elles sont notamment réparties entre le PCF et le Parti de gauche. "La coupe a débordé", dénonce-t-il dans sa lettre.

LES EUROPÉENNES, "MENACE NUCLÉAIRE" POUR LE FRONT

Un message révélateur du malaise au sein du Front de gauche. Clémentine Autain, porte-parole d'Ensemble, qui présentera une tête de liste dans l'Ouest, regrette tout de même, dans Le Monde un "accord tardif, fait dans l'urgence avec la menace nucléaire de l'explosion du Front de gauche".

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Même entre le PCF et le Parti de gauche, la répartition des têtes de liste aux européennes ne s'est pas faite sans remous. Le PCF regrette, en effet, le manque d'ouverture du Parti de gauche (PG). En résumé, PCF et PG se sont répartis trois têtes de liste chacun au niveau national. Parmi elles, les communistes ont choisi une "personnalité d'ouverture", non encartée, pour le Sud-Est : Marie-Christine Vergiat. Or, le Parti de gauche a, lui, placé trois candidats encartés. "Nous regrettons que ce que nous réalisons dans le Sud-Est, le PG ne le fasse pas", a alors dénoncé le Porte-parole du PCF, Olivier Dartigolles à l'AFP. Ambiance.

"L’ouverture est une préoccupation que nous avions dès le début. Nous avions demandé une tête de liste pour Ensemble. Nous avions aussi dit que l’ouverture devait se faire vis-à-vis d’un courant ou d’un parti, il ne s’agit pas de personnalités", rétorque pour sa part Eric Coquerel, secrétaire national du Parti de gauche. Dans l'Humanité, Pierre Laurent résume le tout, évoquant des "insuffisances" dans l'accord dont il faudra "tirer des leçons" à l'avenir.

VERS UNE REMISE EN QUESTION DES ALLIANCES ?

Vers la fin des listes autonomes ? Conséquences de ces difficultés à constituer des listes autonomes, de nombreux cadres du PCF semblent en tout cas nostalgiques des alliances avec le PS. Dans une double page de tribunes sur l'avenir du Front de gauche, le 28 avril, de nombreux communistes, dont Eliane Assassi, la présidente du groupe communiste au Sénat, et André Chassaigne, son homologue à l'Assemblée, ont ainsi demandé une "refondation ambitieuse du Front de gauche". "L'autonomie électorale" systématique n'est pas "la condition de l’efficacité et de la lisibilité de notre stratégie", martèlent-il.

978x489 LeLab - Mélenchon, de la politique spectacle pour Chassaigne

Pour les municipales, déjà, les communistes avaient décidé de s'allier, sans leurs alliés, avec le PS dans la moitié des villes de plus de 20.000 habitants. Forçant le Parti de gauche et le reste du Front à se coucher ou à partir seul, comme à Paris et dans une soixantaine d'autres villes.

Un rapprochement PG-EELV ? Au point qu'une nouvelle idée d'alliance commence à germer dans l'esprit de Jean-Luc Mélenchon et ses lieutenants : celle avec les écologistes. Si l'ex-socialiste exclut, pour l'heure, une scission avec le PCF, il veut tout faire pour verdir le Front de gauche. "La troisième gauche est née. Nos 82 listes avec EELV recueillent en moyenne 15,32 % de suffrages", tambourinait-il, après le premier tour des municipales. À Grenoble, Poitiers ou Rennes, l'alliance rouge et vert, sans les communistes, a en effet dépassé les 15%. Avec une victoire à la clé dans la capitale des Alpes.

Pas sûr, toutefois, que les écologistes soient aussi emballés à l'idée d'entretenir durablement la dynamique. "La ligne anti-gouvernement de Mélenchon n’a pas trouvé un fort soutien dans les urnes; à la différence de notre ligne plus mesurée. Mélenchon peut pérorer, mais le 'bruit et la fureur' ne profitent qu’au Front national", taclait ainsi, fin mars, dans Libération, David Cormand, en charge des élections à EELV.

Les résultats des européennes éclairciront probablement les stratégies futures. Pour l'heure, les sondages donnent le Front de gauche et les écologistes  loin derrière les autres, avec, en moyenne, 7% d'intentions de votes pour chaque.