Etats généraux de l'alimentation : Hulot assure que son "absence n'est pas une marque de désintérêt"

La circonspection de Nicolas Hulot sur les conclusions du gouvernement fait aussi écho à celle de plusieurs associations et ONG.
La circonspection de Nicolas Hulot sur les conclusions du gouvernement fait aussi écho à celle de plusieurs associations et ONG. © Fabrice COFFRINI / AFP
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R.Da. , modifié à
Le ministre de la Transition écologique et solidaire estime que les propositions du gouvernement à l'issue des Etats généraux de l'alimentation ne prennent pas suffisamment en compte les réflexions des groupes de travail.

Son absence a été particulièrement remarquée. Jeudi 21 décembre, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, a séché la soirée de clôture des Etats généraux de l’alimentation, les organisateurs évoquant des raisons d’agenda. Au terme de cinq mois de débats entre les différents acteurs du monde agricole, les associations de consommateurs, de défense de l’environnement et les représentants de la grande distribution, le gouvernement a dévoilé une série de mesures supposées dessiner l’alimentation de demain. Parmi elles : l’instauration d’un seuil de revente à perte de 10% pour soutenir les producteurs, un plan de développement de l’agriculture biologique, ou encore la création d’un délit de maltraitance dans les abattoirs. Rien, pourtant, qui ne semble satisfaire pleinement Nicolas Hulot : "Le compte n’y est pas, ce n’était pas suffisamment conclusif et, donc, ce n’était pas pour moi le temps de conclure", a expliqué le responsable gouvernemental auprès du Monde.

"Je ne vais pas aller faire le beau". Son absence était donc aussi une manière de marquer son scepticisme. "Ce n’est pas un psychodrame, je considère que les conclusions ne sont pas à la hauteur de la qualité du travail extraordinaire et des propositions qui ont été faites dans les ateliers. Je ne vais donc pas aller faire le beau ou aller dire dans un micro que le compte n’y est pas", ajoute-t-il, toujours dans les colonnes du quotidien du soir. Vendredi matin, le ministre s’est montré un peu plus nuancé à la sortie d’un entretien avec le Premier ministre : "Je veux clarifier la situation parce que parfois la communication m'échappe un peu et elle ne correspond pas vraiment à la réalité", a-t-il plaidé, assurant qu’une éventuelle démission de sa part était "un fantasme médiatique".

Auprès de l’AFP, Nicolas Hulot a encore voulu mesurer les déclarations faites au Monde, assurant que les Etats généraux de l'alimentation avaient mis en place "un processus constructif". Avant de préciser quant à son absence : "C'était trop tôt en ce qui me concerne pour conclure un processus dont il faut poursuivre l'accompagnement. Et je dis halte aux tragédies politico-médiatique, mon absence n'est pas du tout une marque de désintérêt".

La déception des associatifs. Mais la circonspection qu'il a affiché fait pourtant écho à celle de plusieurs associations et ONG qui estiment que les propositions de l’exécutif ne prennent pas suffisamment en compte le consommateur. "Sur la qualité sanitaire, la qualité nutritionnelle, la transition écologique, il n'y a rien de concret dans ce projet de loi", a notamment pointé sur Europe 1 Olivier Andrault, chargé de l’alimentation à UFC-Que choisir, face à un texte "qui ne contient comme disposition que des éléments concernant la contractualisation, c'est-à-dire les négociations commerciales entre les agriculteurs, les éleveurs et puis l'industrie et la grande distribution".

Même constat du coté des défenseurs de l’environnement : "On ne retrouve quasiment pas d’annonces concrètes, pas d’engagements financiers, mais beaucoup de communication. Rien n’a été retenu des propositions des ateliers", pointe auprès du Monde Mathilde Théry, responsable agriculture à la Fondation pour la nature et l’homme… anciennement Fondation Nicolas Hulot.

Les couleuvres du ministre. Après s’être incliné face à Bruxelles sur la définition des perturbateurs endocriniens, et après avoir été contraint de repousser au-delà de 2025 l’objectif de réduction à 50% de la part nucléaire dans la production d’électricité en France, Nicolas Hulot, qui tablait sur une refonte en profondeur du modèle agricole français, essuie une nouvelle déconvenue. Mais c’est la première fois qu’il marque aussi clairement son amertume. "Il n'avale plus des couleuvres, il avale des boas constrictors", avait déjà raillé le député européen Europe Ecologie-Les Verts Yannick Jadot sur Franceinfo début novembre, à propos des renoncements imposés par l’exécutif à l’écolo au nom du pragmatisme.

Interrogé vendredi sur RTL, Stéphane Travert, le ministre de l’Agriculture, s’est montré laconique sur l’absence de son collègue jeudi soir : "Je ne commente pas, parce que je n'ai pas raison de le faire. Comme je n'ai pas de raison de douter du problème d'agenda qu'il s'est posé". Le ton était monté entre les deux hommes à la rentrée, lorsque Stéphane Travert avait évoqué une possible levée de l’interdiction des néonictonoïdes, quand son collègue de la Transition écologique affirmait de son côté que le Premier ministre avait déjà refermé ce dossier. Matignon avait finalement donné raison à Nicolas Hulot.

Pas de ligne rouge. Autre point d’achoppement potentiel : Notre-Dame-des-Landes. Sur la base d’un rapport de médiation rendu le 13 décembre, Emmanuel Macron a promis de son prononcer sur la construction du nouvel aéroport d’ici le début de l’année, et auquel s’oppose son ministre de la Transition écologique. Nicolas Hulot assure pourtant qu’il ne s’agit pas d’une "ligne rouge" : "Je ne veux rien obtenir par le chantage. Ce ne serait pas sain, ni durable", a-t-il déclaré auprès de L’Obs