Et l’alerte orange est devenue politique

Delphine Batho, soutenue par Manuel Valls, a demandé à Météo France de placer 19 départements en vigilance orange.
Delphine Batho, soutenue par Manuel Valls, a demandé à Météo France de placer 19 départements en vigilance orange. © MAXPPP
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RECIT - Levée au petit matin, la vigilance orange a été rétablie à la demande du gouvernement.

Mercredi matin, le gouvernement a fait la pluie et le beau temps. Au lendemain d’un épisode neigeux impressionnant, qui a entraîné son traditionnel lot de blocages et de naufragés de la route, plusieurs ministres ont affirmé avoir dicté sa conduite à Météo France, l’organisme public chargé des prévisions et de la vigilance météorologiques. Et qui prend théoriquement ses décisions en fonction de données purement scientifiques. Pas cette fois…

>> Europe1.fr déroule le fil de la matinée

6 heures. Météo France lève l'alerte. La dépêche AFP tombe à 6h15. Après une nuit marquée par de fortes chutes de neige, Météo France décide, face à l’amélioration prévisible, et sensible, du temps, de lever la vigilance orange neige et verglas qui pesait sur 21 départements.

6h45. Valls et Batho interviennent. Cette décision n’est visiblement guère du goût du gouvernement. Sur Europe 1, Delphine Batho n'a pas caché avoir imposé ses vues en demandant à Météo France de rétablir l’alerte. "Cela a été fait  à notre demande, à Manuel Valls et à moi, en salle de crise ce matin à 6h45", a confirmé la ministre de l'Energie sur Europe 1. "Le dégel n’est pas là, il n’est pas prévu dans la journée. Il y a effectivement une perturbation météorologique qui est en train de s’élonger mais en même temps, il y a beaucoup de verglas sur les routes", a-t-elle détaillé.

7h50. Météo France s’exécute. Une heure après la décision des ministres, une nouvelle dépêche de l’AFP tombe, qui annonce que l’alerte orange est finalement réactivée pour 19 départements, en raison d’un "verglas très fréquent".

8h25. Batho assume. De là à y voir un désaveu de l’action de Météo France, il n’y a qu’un pas que Delphine Batho a presque franchi. "Météo France fait son  travail. Mais chacun comprend bien qu’une carte  d’alerte et de vigilance, c’est un signal qui est donné aux citoyens sur la façon d’adapter leur comportement. Et il y a encore beaucoup de verglas sur la route", a insisté la ministre sur Europe 1.

>>> Alors, ingérence au pas ?

Météo France se défend. De son côté, Météo France tente de minimiser l’ingérence politique dans cette crise. "Il y a eu effectivement une levée de l’alerte pour les phénomènes de chute de neige à proprement parler", a expliqué sur Europe 1 Jean-Marie Carrière, directeur de la prévision à Météo France. "Mais ensuite, il a été décidé conjointement de placer en vigilance pour un phénomène qui n’est plus la neige qui tombe mais pour la neige au sol avec toutes les conséquences que l’on connaît", a-t-il insisté.

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Certains à droite s'en mêlent. Comme en janvier, lors des dernières chutes de neige d'importance, c'est Valérie Pécrese qui a dégainé la première à l'UMP. La députée des Yvelines a publié un communiqué dès mardi midi, alors que le plus dur de la crise n’était pas passé. L’ex-ministre a plus précisément ciblé Paris et l’Ile-de-France, région qu’elle compte bien conquérir lors des prochaines élections, probablement en 2015. "Cette situation est d’autant plus inacceptable que, comme en janvier, l'épisode neigeux était annoncé et pouvait donc faire l’objet de mesures d'anticipation pour empêcher que les Franciliens ne se retrouvent bloqués dans les transports", dénonce la députée des Yvelines, qui réclame "une commission d’enquête chargée d’analyser les dysfonctionnements rencontrés". Réaction lapidaire, mais limpide, de son camarade de l'UMP Thierry Mariani, joint par Europe 1.fr : "on a besoin d’une opposition intelligente."

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Mariani pondère... On l'a compris, Thierry Marini n’est pas sur la même ligne que Valérie Pécresse. Ancien ministre des Transports, lui-même confrontée à une pagaille consécutive à de fortes chutes de neige, en décembre 2010, s'est refusé à condamner le gouvernement sur la gestion de la crise. "Le milieu politique se grandirait en admettant que l’Etat ne peut pas tout", conseille le député des français de l’étranger, joint par Europe 1.fr. "Mais je suis un peu surpris que les ministres se mêlent de météo. Tout cela ne relève finalement que de la communication", insiste-t-il, s’appuyant sur son expérience personnelle. "Je suis bien placé pou le savoir, dans ce genre de situation, le gouvernement est obsédé par la com’. Car pour 9/10e des problèmes, il ne peut rien faire", conclut-il, fataliste.