"Estivales" de Marine Le Pen : le terme symbolise "la volonté du FN de ravaler la façade"

© FRANCOIS GUILLOT / AFP
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A.D , modifié à
La présidente du FN lance sa campagne ce week-end à Fréjus avec un mot d'ordre : lisser l'image du FN.
INTERVIEW

Marine Le Pen lance ce week-end  sa campagne présidentielle à Fréjus, dans le Var, avec un objectif : le rassemblement. Grégoire Kauffmann, historien, spécialiste des droites radicales, enseignant à Sciences Po, analyse sa stratégie dans C'est arrivé cette semaine.

Le nom "Estivales", une stratégie com'. Le rendez-vous du FN prend le nom d'Estivales. "Ce terme est très symptomatique de cette volonté manifestée par le Front national de ravaler la façade, de se poser en rupture avec toute une histoire, explique l'historien. On est dans le sillage de 'la France apaisée', le nouveau slogan de Marine Le Pen, un slogan mûri par les stratégies en communication qui entourent aujourd'hui la présidente du FN, chapeautées par Florian Philippot qui est un stratège en communication très habile. Il y a une manière de gommer les aspérités. Les estivales peuvent renvoyer une image rassurante, aimable, voire divertissante." 

L'influence de Maigret. Tout le problème pour la candidate FN est "de s'arracher à ce passé qui ne passe pas. Dans ce passé des années 80-90, il y a un homme qui a joué une influence primordiale, et dont elle s'inspire aujourd'hui  :Bruno Mégret. "Elle est davantage sa fille en politique que celle de Jean-Marie Le Pen, affirme l'historien. La dédiabolisation, l'invocation de la laïcité et de la République dirigées contre un adversaire principal qui est l'islamisme radical, c'est Mégret qui l'a inventé. A la différence près que Mégret se revendiquait de droite et était assez hostile au slogan ni droite ni gauche" scandée par Marine Le Pen.

Entendu sur europe1 :
Elle va chercher à l'intérieur de la République la part la moins généreuse et la moins radieuse de manière à exalter une communauté refermée sur elle-même.

"Exercice schizophrénique". Cette stratégie d'une France apaisée s'inscrit dans une projection où Marine Le Pen est au second tour. "On observe aujourd'hui une surenchère de la part d'une frange droitière des Républicains qui entre pleinement dans la stratégie de Marine Le Pen. Elle laisse venir la droite sur son terrain. C'est aussi une manière pour elle de porter les contradictions de la droite jusqu'au point de rupture pour bâtir sur les décombres des Républicains une nouvelle plate-forme populiste orientée vers la conquête du pouvoir."

Moins Marine Le Pen fait polémique, plus les Républicains peuvent apparaître en proie aux dérapages. "L'exercice est schizophrénique. Marine Le Pen se positionne comme une candidate anti-système et en même temps, elle manifeste une volonté d'intégrer le système, au risque de se normaliser et de perdre la force d'attraction qui fait la singularité du FN. Il faut savoir placer le curseur entre la dimension protestataire et la volonté de normalisation, d'où un périlleux exercice d'équilibriste", décrit Grégoire Kauffmann. 

"Problème interne à l'héritage républicain". Dans la terminologie employée désormais par le FN, "il y a quelque chose de très nouveau qui s'inscrit dans la vague générale des néo-populismes européens. Il y a cette manière de capter l'héritage républicain. Elle considère la démocratie comme un bien sacré. Ce qui est important est qu'elle détourne l'héritage républicain qu'elle met au service d'une conception déterministe et figée de l'identité nationale. D'une certaine manière, ce nouveau FN renoue avec une posture républicaine anti-parlementaire, anti-élitiste et anti-système, qui peut être considéré comme un problème interne à l'héritage républicain."