Emmanuel Macron, un meeting pour rebondir et clarifier

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Margaux Baralon avec Antonin André , modifié à
Le ministre de l'Économie tient mardi soir le premier meeting de En Marche! Une occasion de rebondir, alors qu'il est malmené dans les sondages et que son mouvement patine.

Il n'a (évidemment) pas choisi la date au hasard. En organisant, mardi à la Mutualité, le premier meeting de son mouvement, En Marche!, depuis son lancement le 6 avril dernier, Emmanuel Macron sait qu'il va frapper fort. Quarante-huit heures avant le 14 juillet, jour d'expression présidentielle par excellence, le ministre de l'Économie tentera de donner un nouveau souffle à ce qui ressemble de plus en plus à une campagne présidentielle pour 2017. Lorsqu'on le questionne en privé sur cette initiative, l’intéressé répond : "De toute façon, le président sera interrogé sur moi lors de son interview… alors cette date ou une autre..."

Il rêve d'aller "jusqu'au sommet". Ses ambitions, Emmanuel Macron n'en fait plus vraiment mystère. Celui qui rappelait encore régulièrement sa loyauté envers François Hollande (dont il ne se considérait pas "l'obligé" pour autant) il y a peu, multiplie désormais les déclarations, indices et métaphores sportives. Interrogé, il y a deux semaines lors d'une rencontre avec le "Club Bourbon", sur la possibilité de n'être qu'un "aspirateur à voix" pour François Hollande, il avait nié. Et expliqué que si cela avait été le cas, il serait "devenu son directeur de campagne". En déplacement sur le Tour de France samedi, le ministre de l'Économie a confié au JDD vouloir conduire son mouvement "jusqu'au sommet". "Je ne concours pas pour le maillot à pois ou le maillot blanc, ni pour le maillot vert. Quand on fait du vélo, c'est le maillot jaune."

" Je ne concours pas pour le maillot à pois ou le maillot blanc. Quand on fait du vélo, c'est le maillot jaune. "

Passage à vide. Mais celui qui rêve de la plus haute marche du podium connaît actuellement un passage à vide. Une maladresse dans l'affaire du "costard", une polémique sur sa déclaration de patrimoine et l'ISF et une exposition médiatique très importante ont entraîné une baisse de sa cote de popularité, jusque-là incroyablement élevée pour un membre du gouvernement – et qui reste quand même plus haute que celle de ses collègues. En Marche !, lancé en grande pompe, revendique certes "plus de 50.000 adhérents", dont 16.000 inscrits pour faire du porte-à-porte, mais n'était parvenu à récolter fin mai que 500.000 euros, bien loin des millions nécessaires pour faire campagne.

Un mouvement structuré et bien entouré. Pour le ministre de l'Économie, qui n'a jamais encore animé de meeting, celui de mardi, devant 2.000 personnes, sera donc une épreuve du feu. Après les interventions de "marcheurs", qui sont partis à la rencontre de dizaines de milliers de Français au nom du mouvement En Marche!, Emmanuel Macron délivrera un discours de politique général. Objectif : prouver que son "mouvement existe, qu'il est structuré", explique le sénateur PS François Patriat. Structuré et soutenu, puisque le patron de Bercy sera entouré d'une quarantaine de parlementaires, dont Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon, Richard Ferrand, député du Finistère, ou encore Stéphane Travert, élu de la Manche. Un véritable pied de nez aux détracteurs du ministre, qui aiment à souligner son isolement politique.

Pas de démission "tout de suite". L'autre enjeu du meeting, c'est la clarification. En dévoilant de plus en plus clairement ses ambitions pour 2017 sans abandonner son poste au gouvernement, Emmanuel Macron agace passablement son propre camp. Les proches de Manuel Valls, dont les relations avec le ministre de l'Économie sont connues pour être difficiles, l'accusent de délaisser le troisième étage de Bercy. "C'est un ministre de l'Économie qui semble mettre beaucoup d'énergie dans son mouvement politique", déplorait ainsi le sénateur vallsiste Luc Carvounas, vendredi 8 juillet sur LCP. "Moi, je souhaite qu'il soit à 100%, 200%, 300% dans son rôle de ministre."

" C'est un ministre de l'Économie qui semble mettre beaucoup d'énergie dans son mouvement politique. "

Alors que les rumeurs de démission n'ont cessé d'enfler ces dernières semaines, alimentées par l'entourage d'Emmanuel Macron, ce-dernier a fait savoir qu'il ne partirait pas. Pour ne "pas mettre de bordel additionnel", comme il l'a expliqué dimanche à Ouest-France. "Je ne veux pas quitter le bateau à un moment où c'est difficile." Reste que sa position sera compliquée à tenir très longtemps. "Il ne va pas dire 'je pars tout de suite'" le 12 juillet, a assuré Gérard Collomb au Point la semaine dernière. Laissant à son petit protégé la possibilité d'une sortie plus tardive.

"Naturellement" candidat si François Hollande renonce. S'il ne se déclarera pas mardi, en privé Emmanuel Macron n'exclut pas d'être candidat. Tout dépend, en réalité, de François Hollande. Si le ministre de l'Économie s'est bien gardé de conditionner une potentielle candidature à la présidentielle à l'absence du chef de l'État dans cette même course, il fait le pari, selon son entourage, que le président renoncera, plombé par son impopularité. "Je crois que les choses vont se faire naturellement", confiait ainsi Gérard Collomb sur BFM TV en mai dernier. "Si, au mois de décembre, François Hollande est toujours dans les sondages de 14-15%, et qu'Emmanuel Macron est toujours aux alentours de 28-30%, évidemment que [le second] sera le candidat." À l'inverse, "si François Hollande y va, je ne vois pas où est l'espace", pointe l'un des proches du ministre de l'Économie.

" Si François Hollande y va, je ne vois pas où est l'espace. "

"Toujours de gauche". Au-delà de sa démission, Emmanuel Macron est aussi attendu sur son positionnement politique. Son meeting, qu'il a d'ailleurs choisi de tenir à la Mutualité, salle historiquement marquée par le militantisme de gauche, devrait être l'occasion, pour le patron de Bercy, de montrer qu'il est "toujours de gauche" et "pas dans le ni-ni dans lequel on a voulu [l]'enfermer",  comme il l'affirme à Ouest-France. Mais le ministre souhaite encore et toujours "dépasser les clivages pour rassembler". Une stratégie à rebours de celle de François Hollande qui, lui, met en exergue ses différences avec la droite.

Après son meeting parisien, Emmanuel Macron fera une "tournée en province durant toutes les vacances d'été", a prévenu Gérard Collomb dans Le Point. Le point d'orgue de cette suite de réunions publiques aura lieu "fin août", "du côté de Bordeaux", pour un grand rassemblement, avant un "colloque des réformistes européens et mondiaux" à Lyon, fin septembre. Puis, en octobre, En Marche! présentera ses propositions. Candidat ou pas, Emmanuel Macron compte bien peser dans les débats pour la présidentielle.