Emmanuel Macron : passage à vide ou début de la fin ?

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© MARTIN BUREAU / AFP
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Margaux Baralon , modifié à
Le ministre de l'Économie, qui caracolait en tête des sondages, voit sa popularité reculer. La conséquence d'une omniprésence médiatique et d'incidents à répétition.

Alors que le chef de l'État et son Premier ministre dégringolaient toujours plus bas dans les sondages, il restait le membre du gouvernement à l'insolente popularité. Mais Emmanuel Macron semble, depuis quelques semaines, connaître un passage à vide. Une étude Ifop publiée par Le Figaro mardi soir montre que son image se dégrade.

Dans le détail, 57% des personnes interrogées le trouvent "compétent" et 54% "sympathique". Une chute respectivement de 6 et 9 points par rapport au mois d'avril. Seuls 33% des Français qualifient le ministre de l'Économie de "proche de leurs préoccupations", contre 40% il y a deux mois. La proportion de sondés qui le pensent "capable de rassembler" est tombée de 45% à 36%.

L'affaire du "costard". Des reculs imputables aux récents tourments qu'a connus Emmanuel Macron. Vendredi 27 mai, alors qu'il effectue une visite à Lunel, dans l'Hérault, le patron de Bercy a un accrochage avec plusieurs militants hostiles à la loi Travail. L'un d'entre eux fait une remarque sur le fait qu'il ne peut pas s'offrir un "costard" aussi onéreux que celui du ministre. Et ce dernier de répondre vivement : "Vous n'allez pas me faire peur avec votre t-shirt. La meilleure façon de se payer un costard, c'est de travailler." La phrase, immédiatement relayée sur les réseaux sociaux, provoque des réactions ulcérées. Beaucoup dénoncent un mépris de classe, rappelant qu'Emmanuel Macron avait déjà parlé des salariées "illettrées" de Gad.

Méconnaissance des réalités du pays. Et ce ne sont pas les informations sur la réévaluation de son patrimoine par le fisc, données par Mediapart et Le Canard Enchaîné, qui ont arrangé les choses. Les deux médias révèlent en effet, le 31 mai, qu'Emmanuel Macron est désormais soumis à l'impôt sur la fortune. Qu'importe que ce soit le ministre lui-même qui ait "déposé une déclaration rectificative" après l'évaluation à la hausse de ses biens, et qu'il soit donc en règle avec l'administration fiscale. Ces révélations ont, indéniablement, eut un impact sur l'opinion publique. "Il y a une grille de lecture particulière qui est en train de s'installer", explique à Europe1.fr Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop. "Les Français se disent qu'Emmanuel Macron ne connaît ni leur quotidien, ni les réalités du pays."

"Un recul, mais pas un effondrement". Un ministre déconnecté, donc, mais cependant loin d'être dénigré. "C'est un recul mais pas un effondrement", nuance Frédéric Dabi. "Une majorité le juge encore compétent et sympathique. Dans l'absolu, il reste donc bien vu. Beaucoup de personnalités politiques lui envieraient ce score." Pour le directeur de l'Ifop, il n'est pas possible de déduire de ce sondage une désaffection profonde pour le ministre de l'Économie, qui connaît avant tout le contrecoup d'une surexposition médiatique. "Plus on est présents, plus on s'expose à la probabilité de faire une erreur et aux critiques."

" Dans l'absolu, Macron reste bien vu. Beaucoup de personnalités politiques lui envieraient ce score. "

Mieux vu à droite qu'à gauche. Ce qui est notable, en revanche, c'est qu'Emmanuel Macron est "systématiquement mieux vu à droite qu'à gauche", pointe Frédéric Dabi. De fait, 53% des sympathisants Les Républicains trouvent le patron de Bercy "capable de rassembler les Français", un chiffre stable entre avril et juin. En revanche, ils ne sont que 36% des sympathisants PS à penser la même chose, en chute de 23 points sur la période. De même, 55% des sympathisants de droite le jugent "proche des préoccupations des Français", contre seulement 30% des sympathisants de gauche. Des chiffres qui sont la conséquence directe du positionnement du ministre de l'Économie, incarnation d'une tendance libérale de gauche, "briseur de tabous" au Parti socialiste.

Asymétrie de la popularité. Et c'est bien cette "asymétrie de la popularité", comme l'appelle Frédéric Dabi, qui pourrait porter préjudice au ministre de l'Économie. Car si celui-ci décidait d'être candidat à l'élection présidentielle dès 2017, il rencontrerait alors un "problème d'espace politique". Son positionnement à droite de la gauche lui permet d'être plus populaire que ses camarades socialistes, puisqu'il satisfait une partie de la droite. Mais une élection présidentielle reste marquée par le clivage politique entre gauche et droite. Rien ne dit que cette droite qui le juge "compétent" et "sympathique" sera prête à lui accorder sa voix. En revanche, tout porte à croire que la gauche qui l'estime déconnecté de ses préoccupations ne lui donnera pas la sienne.

"On peut difficilement imaginer qu'Emmanuel Macron, s'il se présentait, connaisse un rebond soudain de popularité à gauche", pointe Frédéric Dabi. S'il veut espérer l'emporter, le ministre "aura donc l'obligation de contribuer à faire exploser la structure du paysage politique" pour en finir définitivement avec un clivage bipartisan qui le dessert, et qu'il dénonce.