Emmanuel Macron au Vatican : "Ce n'est pas un voyage de piété mais une entreprise politique"

Emmanuel Macron effectue, mardi, sa première visite officielle au Vatican. Il y rencontrera notamment le pape François.
Emmanuel Macron effectue, mardi, sa première visite officielle au Vatican. Il y rencontrera notamment le pape François. © Ludovic MARIN / AFP
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Pauline Darvey
Emmanuel Macron effectue, mardi, sa première visite officielle au Vatican. Il y rencontrera notamment le pape François. L'occasion de discuter de sujets brûlants, comme la crise migratoire ou la procréation médicalement assistée (PMA). 
INTERVIEW

Tous les présidents français y sont passés. Mardi, ce sera au tour d'Emmanuel Macron de se rendre au Vatican pour sa première visite officielle.

"C’est une tradition à laquelle n’échappe aucun président de la République, particulièrement sous la cinquième République, confirme Jean-François Colosimo, historien des religions et éditeur, invité ce dimanche de C'est arrivé demain sur Europe 1. Lorsqu'on est élu, il faut se rendre à Rome pour parler avec le pape".

Chronomètre. L'entretien devrait durer une trentaine de minutes. Mais pour juger de sa réussite, il faudra chronométrer cette rencontre. "A 20 minutes d'entretien, on considère que c’est une visite protocolaire", explique Jean-François Colosimo. "A 30 minutes, on considère que c’est une très bonne visite. A 40 minutes, une visite exceptionnelle".

Autre inconnue, les sujets abordés. "Il n'y a pas d’ordre du jour", affirme l'historien des religions. "C’est le pape qui décide". Pour autant, certaines problématiques semblent incontournables. "Le pape va très certainement aborder la question de la laïcité", estime Jean-François Colosimo. "Il y est sensible. Il a dit lui-même qu’il était laïc".

Les deux hommes devraient également discuter de "deux questions brûlantes" : la PMA et les migrants. "Là-dessus, le pape va peut-être rappeler à Emmanuel Macron que non, ils n'ont pas forcément la même vision de l’accueil et de l’hospitalité", considère Jean-François Colosimo.

"Le pape est d'accord avec moi". A l'inverse, Emmanuel Macron devrait, lui, tenter de trouver un allié auprès du pape, notamment sur la crise migratoire. "Emmanuel Macron, très décrié pour sa politique migratoire en France, va aller chercher chez le pape la légitimité pour s'opposer à une Italie extrêmement répressive", analyse Jean-François Colosimo. "Emmanuel Macron dit : 'le pape est d’accord avec moi, le pape distingue bien entre migrants et réfugiés'. Mais est-ce si sûr ?", s'interroge l'historien.

Cette entrevue avec le pape, loin d'être uniquement symbolique, aura donc de réels enjeux politiques. "Ce n’est pas un voyage de piété, c’est une véritable entreprise politique", assure le spécialiste des religions. "Il y a, pour Emmanuel Macron, une volonté de concilier le pouvoir de l’Elysée, l’opinion catholique en France, le rôle de l’église catholique en Europe et dans le monde".

"Un grand kiff !" Cette volonté s'est notamment affirmée lors du récent discours d'Emmanuel Macron devant les évêques de France. Une manière pour le président de donner des gages de confiance aux catholiques. "Emmanuel Macron veut s'adresser aux catholiques, qui ont largement suivi François Fillon", rappelle Jean-François Colosimo. "Il leur dit : 'venez chez moi, je vous connais, je vous comprends, je parle votre langage'". "En quelque sorte, il est entrain de reconstituer le MRP, qui était le mouvement démocrate chrétien".

Et selon l'historien, Emmanuel Macron devrait prendre un plaisir certain à rencontrer le pape : "lorsqu'on voit la cérémonie du Louvre, son attachement à la verticalité du pouvoir, sa conscience très vive du caractère monarchique de la cinquième République, je dirais, sans être déplacé, que c'est 'un grand kiff' pour Emmanuel Macron d'être face au pape !"