Economie, rénovation européenne, crise migratoire... Emmanuel Macron passe à la vitesse supérieure

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Emmanuel Macron veut tenir les promesses de campagne malgrés les impératifs budgétaires. © TIZIANA FABI / AFP
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William Galibert et R.Da.
Dans un entretien à "Ouest France", le président de la République dessine un nouvel agenda de réformes pour aller plus vite que ce que laissait entendre le discours de politique générale du Premier ministre.

Il n'y aura pas d'interview du 14-Juillet. Emmanuel Macron a choisi de tordre le cou à la tradition, comme l'avait déjà fait avant lui Nicolas Sarkozy. Néanmoins, le président a choisi de s'exprimer jeudi dans une longue interview à Ouest France, et dans plusieurs quotidiens d'Outre-Rhin, alors que se tient un conseil franco-allemand des ministres à l'Elysée. Un entretien où il est beaucoup question d'Europe, mais aussi et surtout de fiscalité. Quelques jours après le discours de politique générale de son Premier ministre, qui avait repoussé la réforme de l’ISF et de la taxe d’habitation, le chef de l'Etat a change le cap, livre sa propre feuille de route, et explique vouloir accélérer les choses.

Fiscalité : une mise en chantier des réformes dès 2018

"J'ai décidé que l'on n'attendrait pas", lance Emmanuel Macron, comme pour mettre fin au flottement qui s'est installé après les annonces du chef du gouvernement. Le président reprend donc la barre, et détaille lui-même l'agenda fiscal de son quinquennat avec, dès 2018, une réforme de l'ISF qui ne concerna plus que la fortune immobilière. 2018 marquera aussi le début de la suppression progressive de la taxe d'habitation, mesure décriée par la droite, et dont l'objectif est de dispenser 80% des Français de cet impôt d'ici 2022.

Économie : baisser le coût du travail pour rassurer les investisseurs

Le chef de l'Etat veut aller vite pour basculer les cotisations sociales, patronales et salariales vers une hausse de la CSG. L'objectif : baisser le coût du travail. "Le sens de cette stratégie est de favoriser le travail, l'innovation, les transitions", argue-t-il. "Il faut donner des signaux clairs dès le début", insiste Emmanuel Macron, qui explique vouloir conforter la confiance des Français et des investisseurs. Dans le même temps, un plan de 50 millions d'euros est toujours sur la table, notamment à destination de l'éducation, de la formation et de la transition numérique. Tout cela en baissant la dépense publique et en respectant la règle européenne sur le déficit. En claire : tenir à la fois les promesses de campagne et les engagements de la France face aux partenaires européens. Bref, un jeu d'équilibriste budgétaire intenable d'après l'opposition.

Europe : lutter contre les inégalités dans la zone euro

Emmanuel Macron renouvelle également son européisme, et assure vouloir revenir "à la racine" du projet européen : "L'Europe a été fondée sur une promesse de paix, de progrès, de prospérité. Il faut aujourd'hui un projet qui puisse renouer cette promesse : une Europe qui inspire davantage". Pour ce faire, le président compte proposer des mesures pour s'attaquer aux disparité au sein de la zone euro, et "mettre en place des mécanismes de solidarité plus puissants pour l'avenir".

Surtout, face à la mondialisation, il appelle de ses vœux une Europe qui puisse bâtir un nouveau modèle de société, et voudrait pour cela faire, avant la fin de l'année, des propositions "sur des sujets de culture et d'éducation".

Etats-Unis : faire vivre l'accord de Paris et poursuivre la coopération militaire

"Nous avons besoin des États-Unis d'Amérique", clame Emmanuel Macron, en dépit de la rupture de l'accord de Paris. Sur ce point, la président explique d'ailleurs vouloir profiter du système fédéral américain pour contrer la décision de Donald Trump en tentant de convaincre au cas par cas les villes et les Etats fédérés. Autre point de rupture : le protectionnisme porté en étendard par le Commander in chief, "c'est le frère jumeau du nationalisme et cela conduit à la guerre", estime le locataire de l'Elysée. "Nous avons un différend mais on peut trouver des espaces communs pour lutter contre les pratiques inacceptables comme le dumping", assure-t-il cependant.

À l'inverse, Etats-Unis et France continuent de s'entende en termes de coopération sur les théâtres militaires extérieurs, notamment face à la menace terroriste. "Que ce soit au Proche ou Moyen Orient et en Afrique, notre coopération avec les États-Unis est exemplaire. Ce sont nos premiers partenaires en termes de renseignement, en termes de coopération militaire, en termes de lutte conjointe contre le terrorisme", rappelle Emmanuel Macron qui a invité Donald Trump à participer aux célébrations du 14-Juillet alors que 2017 marque le 100e anniversaire de l'entrée en guerre des Etats-Unis dans le premier conflit mondial.

Crise migratoire : stabiliser la Libye

Alors qu'Edouard Philippe a annoncé mercredi la création de 12.500 places d'accueil pour les demandeurs d'asile et les réfugiés, Emmanuel Macron fait valoir "une exigence d'humanité et une efficacité de l'action". "Le devoir de l'Europe et de la France est d'accueillir les réfugiés politiques. Jamais je n'accepterai les discours de rejet. Les réfugiés politiques sont des combattants de la liberté", ajoute-t-il, tout en précisant que cet accueil ne pourra s'appliquer qu'aux ressortissants de pays en guerre "ou en situation de risque politique majeur".

Emmanuel Macron explique également que la maîtrise des flux migratoires passe par une stabilisation des situations politique au Levant et au Maghreb, ciblant notamment la Libye. "Nous allons prendre la tête dans quelques semaines d'une série d'initiatives diplomatiques concrètes pour essayer de reconstruire la stabilité libyenne. Nous avons besoin d'un état libyen qui tienne ses frontières, sinon nous ne résoudrons pas cette crise", soutient-il.