Départementales : les ministres sont-ils les bienvenus sur le terrain ?

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Manuel Valls et François Hollande ont décidé de nationaliser le scrutin et de solliciter l'aide des ministres pendant la campagne. Bonne ou mauvaise idée ?

L'INFO. A gauche, l'heure est à la mobilisation générale pour éviter la bérézina aux départementales. Et c'est Manuel Valls et François Hollande en personne qui ont sonné le tocsin. Les deux têtes de l'exécutif ne se résolvent pas à la défaite annoncée. Le Premier ministre a donc endossé son costume de directeur de campagne des candidats PS, et demandé à ses ministres d'en faire de même. Et il mouille la chemise, son idée étant de reproduire ce qu'il s'est passé lors de la législative partielle dans le Doubs, où le candidat socialiste s'est imposé après avoir reçu deux fois son soutien sur place.

>> Mais, alors que les résultats de la politique gouvernementale sont contestés, y compris à gauche, ces visites de ministres ne sont-elles pas contre-productives pour les candidats ?

"Jusqu'au bout je mènerai campagne". François Hollande et Manuel Valls ont élaboré ensemble la stratégie de la majorité pour cette bataille électorale. Leurs axes forts : désigner leur ennemi n° 1, le Front national, et défendre le bilan du gouvernement. Depuis, le Premier ministre se démultiplie. "Jusqu'au bout, je mènerai campagne pour vous stigmatiser et pour vous dire que vous n'êtes ni la République ni la France", a-t-il ainsi lancé, mardi à l'Assemblée nationale, à la députée FN Marion Maréchal-Le Pen, heurtée par ses "prises de parole obsessionnelles" et "de plus en plus injurieuses" envers le FN.

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"Il a demandé à tous les ministres de s'impliquer". Manuel Valls n'a cure de ces critiques. Jusqu'au bout, il compte labourer le terrain pour alerter les électeurs du "péril frontiste". "Il compte sur son aura personnelle et espère que sa popularité déteindra sur les autres", décrypte pour Europe 1 Pascal Perrineau, politologue spécialiste de la sociologie électorale. Car Manuel Valls n'est pas seul dans sa croisade. "Il a demandé à tous les ministres de s'impliquer", confie-t-on à Matignon. Sauf que c'est aux candidats socialistes de solliciter un coup de pouce des ministres dans leur canton, et non l'inverse. A ce petit jeu, Bernard Cazeneuve - ressorti grandi de la séquence post-attentats terroristes du débat d'année -  et Stéphane Le Foll - "qui sait mieux que personne enflammer des salles de militants", selon un baron socialiste - arrivent en tête du classement d'honneur des plus sollicités.

Ségolène Royal ne jouera pas le jeu. "Le ministre de l'Intérieur fera environ une dizaine de meetings un peu partout en France", assure son cabinet, incapable de recenser précisément le nombre de demandes reçues. Najat Vallaud-Belkacem a elle aussi la cote. "On a reçu énormément de sollicitations, environ une cinquantaine, mais elle a un agenda chargé avec la réforme du collège donc elle ne peut pas faire plus de deux meetings par semaine", explique-t-on au ministère de l'Education nationale. La toujours populaire Ségolène Royal est, elle aussi, réclamée un peu partout. Mais la ministre de l'Ecologie "ne fera pas de déplacement dans le cadre des départementales", nous assure-t-on dans son entourage. Grimace à Matignon…

"Nous n'avons eu que de bons retours de la venue de Valls". Et les candidats dans tout ça ? Manuel Valls a commencé son tour de France dans l'Aude, fin février, pour le plus grand bonheur de Jean Brunel, patron de la fédération PS du département. "C'est eux qui nous ont contacté et proposé la venue de Valls en raison du risque FN dans notre département", explique-t-il à Europe 1. Une visite productive, selon lui : "nous n'avons eu que de bons retours de sa venue, que ce soit de la part des militants ou de nos candidats, qui étaient tous venus pour poser en photo avec lui. D'ailleurs, ils ont posté les clichés sur les réseaux sociaux ensuite, signe que l'image du Premier ministre ne les dérange pas du tout !"

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Le président du conseil général de l'Aude, André Viola, candidat à sa réélection (en photo avec le Premier ministre, ndlr), confirme : "cela a mis un coup de boost à notre campagne ! L'exécutif a pris le taureau par les cornes et a décidé de descendre dans l'arène pour lutter contre l'abstention, on ne peut que s'en féliciter ! Quand j'ai annoncé à mes collègues que Valls venait, ils ont tout de suite adhéré". Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement, l'a également appelé pour lui proposer un coup de main. "C'est un ami, on va essayer d'organiser cela".

Valls, "une énorme caisse de résonance". Ces soutiens ministériels ne déchaînent pas toujours autant de passion. Lundi prochain, Manuel Valls sera par exemple dans l'Essonne, aux côtés de Jérome Guedj, l'un des députés frondeurs les plus médiatiques. "Pour parler franchement, les gens n'étaient pas chaud bouillants, mais c'est un passage obligé. Manuel Valls ne pouvait pas ne pas venir dans l'Essonne et, pour nous, c'est une énorme caisse de résonance. Mes désaccords avec le Premier ministre sont connus de tous, mais quand le danger FN est si fort, on met cela de côté, bien sûr !", confie à Europe 1, en souriant, le président du conseil général de l'Essonne, candidat à sa réélection.

"Je n'ai pas demandé la venue de ministres". Mathieu Hanotin, lui aussi député frondeur et lui aussi candidat aux départementales en Seine-Saint-Denis, est sensiblement du même avis que son camarade : "je n'ai pas demandé la venue de ministres car je n'en ressens pas le besoin. C'est une campagne locale avant tout, donc si c'est pour aborder des thématiques locales, cela a du sens. Sinon, je ne dis pas que c'est inutile mais bon…", glisse-t-il, contacté par Europe 1. Un autre candidat, sous couvert d'anonymat, est plus explicite : "s'ils pouvaient nous laisser tranquille deux ou trois semaines, ce ne serait pas plus mal…"

" Ils font une grossière erreur !" Pascal Perrineau, professeur à Sciences Po, comprend parfaitement le discours de ces élus circonspects sur le bienfondé de nationaliser ces élections. Mais il le dit avec davantage de liberté qu'eux: "c'est contre-productif ! Les élections intermédiaires sont, traditionnellement, des 'élections-défouloirs'. Donc plus on va nationaliser le scrutin, et plus ce constat va se vérifier". Et d'ajouter : "on envoie des gens sur le terrain quand ils sont populaires, or pour une très grande majorité d'entre eux ce n'est pas le cas. Ils font une grossière erreur !"

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"Pas certain que j'aurais fait une réunion publique avec Emmanuel Macron". Un nom semble confirmer ses dires. "Macron ? Je n'ai rien contre lui, mais a-t-il déjà fait un meeting dans sa vie ?", s'interroge Jean Brunel. "Je ne suis pas certain que j'aurais fait une réunion publique avec Emmanuel Macron", admet Jérome Guedj, l'un des principaux pourfendeurs de la loi portée par le ministre de l'Economie. "Je n'ai pas besoin de ministres déconnectés de nos réalités, et encore moins de Macron", poursuit un autre candidat. "Beaucoup de collègues m'ont dit que ce genre de meetings ne pouvait être fait qu'avec Manuel Valls", appuie André Viola. Des ministres à la rescousse, ok. Mais surtout si c'est le premier d'entre eux.

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