Déchéance de nationalité : pour Macron, "on ne traite pas le mal en l'expulsant"

  • Copié
Margaux Baralon avec William Galibert , modifié à
RÉACTION - "On ne traite pas le mal en l'expulsant", a déclaré le ministre de l'Economie mardi soir.

Il est longtemps resté silencieux sur le sujet. Tout le mois de décembre, alors que le gouvernement était attaqué de toute part sur la déchéance de nationalité, Emmanuel Macron a brillé par son silence. Il a fallu attendre début janvier pour attendre l'avis du ministre de l'Economie sur ce dispositif si contesté. Dans une interview au Monde, le patron de Bercy avait fini par saluer une "mesure symboliquement importante", qui "donne un sens à ce que c'est que d'appartenir à la communauté nationale". A l'époque, il s'était dit "pleinement solidaire de la politique gouvernementale".

"Un inconfort philosophique". Il semblerait pourtant que le ministre de l'Economie ait quelques doutes quant à l'efficacité de la déchéance de nationalité. Invité mardi soir de la Fondation France-Israël, Emmanuel Macron a en effet regretté l'importance accordé à ce débat. "J'ai, à titre personnel, un inconfort philosophique avec la place que [celui-ci] a pris, parce que je pense qu'on ne traite pas le mal en l'expulsant de la communauté nationale", a-t-il déclaré, selon des propos rapportés par Le Figaro.

Remettre le débat "à sa juste place". Et le ministre de poursuivre : "le mal est partout. Déchoir de la nationalité est une solution dans certains cas, mais à la fin des fins, la responsabilité des gouvernants est de prévenir et de punir implacablement le mal et les actes terroristes." Emmanuel Macron a ensuite appelé à remettre le débat sur la déchéance de nationalité "à sa juste place", celle des "situations extrêmes". "Il ne faut surtout pas le prendre comme un débat sur la binationalité [ou] sur le rapport à la nationalité française."

Rappel à l'ordre de Manuel Valls. Calculé ou pas, le timing de ces déclarations est pour le moins inconfortable pour le gouvernement. Au même moment en effet, les députés se prononçaient sur l'article 2 de la révision constitutionnelle, précisément celui qui consacre la déchéance de nationalité. La mesure a été adoptée d'une courte majorité, par 162 voix contre 148 (et 22 abstentions). A l'Assemblée nationale, le Premier ministre Manuel Valls a d'ailleurs rappelé que "tout le gouvernement était mobilisé sur la protection, la sécurité des Français". "Le texte a été adopté en conseil des ministres. Chacun, Emmanuel Macron parmi les autres, soutient cette démarche. Il ne peut pas en être autrement", a déclaré le Premier ministre, rappelant à l'ordre son ministre de l'Economie.

Christian Paul "rarement aussi d'accord" avec Macron. Du côté des opposants à la déchéance de nationalité, en revanche, la sortie du ministre de l'Economie a été accueillie favorablement. "Je dois dire que j'ai rarement été aussi d'accord avec les propos d'Emmanuel Macron", s'est exclamé le député socialiste frondeur Christian Paul au micro d'Europe 1. "Ou plutôt, Emmanuel Macron a rarement été aussi en phase avec ce que nous pensons." L'élu a refusé de voir un lien entre la sortie du ministre de l'Economie et l'imminence d'un remaniement ministériel. "Il y a eu beaucoup de calculs politiques autour de la déchéance de nationalité, à droite comme à gauche. Là, je n'exclus pas qu'Emmanuel Macron soit sincère."