Croissance, Europe, paix sociale, les défis du nouveau président

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Administrator User , modifié à
La relance de la construction européenne et de la croissance économique de la France sont deux des défis majeurs qui attendent Nicolas Sarkozy. Le nouveau chef de l'Etat va maintenant devoir établir un calendrier et un rythme cohérents de mise en oeuvre des réformes promises.

Le président élu, qui souhaite convaincre les partenaires européens de la France de se rallier à son idée de traité institutionnel et n'a cessé de pester contre l"euro fort" pendant la campagne, a prévu de se rendre à Bruxelles et Berlin dès sa première semaine à l'Elysée. "La France qui a dit 'non' il y a deux ans à la Constitution européenne doit prendre l'initiative pour relancer l'Europe", estime l'économiste Christian de Boissieu, président délégué du Conseil d'analyse économique placé auprès de Matignon. Un avis partagé par Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui déplore l'inefficacité des instruments de politique économique de l'Union européenne. "Du coup, des pays (de l'UE) se sont lancés dans des politiques économiques non coopératives", explique-t-il. "Il faut relancer une coopération économique européenne et faire en sorte que la France retrouve l'influence qu'elle a perdue." Pour Xavier Timbeau, la relance d'une "politique économique coopérative" en Europe passe par le lancement de grands projets européens, notamment dans l'énergie et l'environnement. Deux secteurs dans lesquels Christian de Boissieu estime que la France peut contribuer à "faire avancer les choses". Le président du CAE estime en revanche que la volonté de Nicolas Sarkozy de mettre les pieds dans le plat en ce qui concerne la politique monétaire européenne est vouée à l'échec. "Il ne faut pas rouvrir le débat sur la Banque centrale européenne (BCE) et son indépendance. Ce n'est pas le sujet et la France est isolée sur cette question", dit-il. "C'est perdu d'avance", dit Eric Heyer, de l'OFCE. "Je ne vois pas comment il peut influer sur la politique monétaire et de change. Nous ne sommes pas soutenus par d'autres pays." L'accélération de la croissance économique en France est une des conditions de la réalisation des objectifs affichés par le dirigeant de l'UMP : baisse du taux de chômage à 5% en cinq ans, réduction de la dette, hausse du pouvoir d'achat, etc. "La bonne stratégie c'est de passer de 2,2% à 3% de croissance" du PIB par an, déclarait-il le 25 avril au Monde. Or les économistes interrogés à la mi-avril prévoient en moyenne une croissance de 2,2% en 2007, même si la France pourrait bénéficier d'un contexte plus porteur en Europe. Ils ne s'accordent pas, en revanche, sur le rythme de réduction des déficits publics à respecter. Pour Eric Heyer, le président doit veiller à ne pas "casser" la croissance par une politique budgétaire trop restrictive, qui le contraindrait en outre à "taper" dans les dépenses sociales. Pour Christian de Boissieu, en revanche, la loi de finances rectificative votée cet été "ne peut pas se traduire par un creusement des déficits", car "ça ne serait pas le bon signal". De façon générale, Nicolas Sarkozy a beaucoup promis. "Je dis tout avant parce que je ferai tout après", n'a-t-il eu de cesse de dire au long de sa campagne présidentielle. A la mi-février, son équipe de campagne chiffrait à 31,7 milliards d'euros le coût de son programme. Un coût largement sous-estimé, selon l'Institut de l'Entreprise, qui l'évalue plutôt à 54,83 milliards nets, en tenant compte d'économies et de recettes nouvelles évaluées à 9,75 milliards d'euros. Encore la dernière évaluation de l'Institut de l'Entreprise ne chiffre-t-elle pas la baisse de l'impôt sur les sociétés ou le lancement d'un plan contre la maladie d'Alzheimer. Le nouveau chef de l'Etat va maintenant devoir établir un calendrier et un rythme cohérents de mise en oeuvre des réformes promises, souligne un proche, le député UMP Yves Jego, pour qui leur "ordonnancement" n'est pas le moindre des défis : "Si ce n'est pas parfaitement pensé, ça peut tout mettre à mal." Nicolas Sarkozy devra notamment veiller à désamorcer toute velléité de troisième tour dans la rue. Il a prévu de recevoir les partenaires sociaux dès sa prise de fonction pour organiser avec eux quatre conférences qui se tiendront en septembre. L'une de ces conférences portera sur la création d'un contrat de travail unique et la fusion de l'Unedic et de l'ANPE dans un nouveau service public de l'emploi, qui ne pourront se faire "qu'en douceur", estime Eric Heyer. Nicolas Sarkozy va d'autre part trouver sur son bureau des dossiers internationaux très lourds, tels que le différend international sur le programme nucléaire iranien. Il s'est déjà prononcé pour des sanctions afin de faire pression sur Téhéran. Sauf dénouement d'ici sa prise de fonction le 17 mai, il sera en outre confronté à l'affaire de l'otage français détenu en Afghanistan par les taliban, qui exigent notamment le retrait des forces françaises déployées dans ce pays. Le président élu leur a déjà adressé un signal pendant la campagne électorale. La présence à long terme d'un millier de soldats français dans cette région du monde "ne me semble pas décisive", a-t-il dit le 26 avril sur France 2. Enfin, sur le front intérieur, en dehors de la formation toujours délicate d'un premier gouvernement, il a promis de s'engager activement dans la campagne législative de juin pour s'assurer une majorité à l'Assemblée. La puissance du groupe UMP sortant (plus de 360 députés) et la dynamique créée par son élection devraient le préserver de mauvaises surprises. Il a d'autre part annoncé qu'il quitterait la présidence de l'UMP s'il était élu. Le problème de sa succession à la tête de son parti devrait donc se poser rapidement.