Consultation sur les retraites : qu'est-ce que ça peut changer ?

Jean-Paul Delevoye
Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites, a lancé jeudi une consultation citoyenne sur le sujet. © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
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Le gouvernement a décidé, en amont de la réforme des retraites, de lancer une consultation sur Internet. Mais les grands axes étant déjà fixés, l'utilité de cette réflexion collective est remise en cause.

Six mois. C'est le temps qui est donné aux Français pour soumettre sur Internet leurs propositions pour réformer les retraites. Sur la plateforme participez.reforme-retraite.gouv.fr, lancée jeudi, le haut commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, a identifié onze thèmes sur lesquels les citoyens sont invités à "contribuer à la réflexion collective". Âge de départ, droits des conjoints en cas de décès, inégalités femmes-hommes, prise en compte des enfants dans le calcul de la retraite… chacun peut donner son avis et voter pour ou contre les suggestions des autres. Si, du côté du gouvernement, on met en avant l'implication des citoyens dans l'élaboration de la loi, l'opposition, elle, dénonce un simulacre de démocratie participative.

"C'est une fausse consultation". De fait, les grands principes de la réforme des retraites sont connus. Le candidat Macron pendant la campagne les avaient longuement expliqués, l'exécutif entier a depuis pris la relève. Il s'agira de passer à un système de retraite par points, toujours universel et solidaire, promet le gouvernement, à budget constant et sur le principe moult fois répété d'un euro cotisé qui apporte à chacun les mêmes droits. "Le gouvernement sait où il veut aller, et cela fait longtemps qu'on sait ce qu'il veut", souligne Eric Coquerel, député France Insoumise. "C'est donc une fausse consultation. Il y a du foutage de gueule." Pour l'élu de l'opposition, qui dénonce un "enfumage", il n'y a qu'un seul type de consultation des citoyens qui vaille : "c'est un bon outil prévu par la Constitution, qu'on appelle référendum."

La retraite "version Macron", comment ça pourrait marcher ?

"Bottom-up". Le gouvernement, lui, défend au contraire sa méthode participative, qui s'inscrit dans une longue ligne d'initiatives "bottom-up" [du "haut vers le bas"], comme on aime les appeler en macronie. C'était déjà le principe de la grande marche lancée en 2016 pour récolter les doléances des Français et s'en servir pour alimenter le programme d'Emmanuel Macron. Mais aussi celui de la marche pour l'Europe, qui a démarré en avril dernier. Mais dans le premier cas, le candidat partait d'une page blanche. Dans le second, les résultats concrets ne sont pas encore connus. Difficile, donc, d'imaginer la marge de manœuvre qu'il reste aux citoyens s'ils espèrent réellement influer sur la réforme des retraites.

" Certes, les grands principes de la réforme ont été fixés et ne sont pas soumis à la concertation. Mais tout reste encore à arbitrer. "

"Tout reste encore à arbitrer". Dans l'entourage de Jean-Paul Delevoye, on assure que celle-ci est réelle. "Certes, les grands principes de la réforme ont été fixés et ne sont pas soumis à la concertation. Mais tout reste encore à arbitrer", explique-t-on, en prenant l'exemple de la bonification de la retraite à partir du troisième enfant. "Est-ce que c'est juste ? Faut-il conserver cette bonification à ce niveau, ou à ce nombre d'enfants ? Chacun peut avoir un avis et enrichir le débat. C'est une refonte globale, donc on met toutes les règles existantes sur la table."

Jury citoyen. Toutes ? Pas vraiment, car les points trop techniques ont été volontairement laissés de côté. En revanche, "les thèmes discutés dans la consultation sont les mêmes que ceux qui seront abordés lors des rencontres bilatérales avec les partenaires sociaux", précise le cabinet de Jean-Paul Delevoye. L'ensemble des contributions vont être remises, après la clôture des débats en octobre prochain, à un prestataire externe qui sera chargé de faire une synthèse. La synthèse sera ensuite examinée par un jury citoyen de 15 personnes "représentatives de la diversité sociodémographique". Celui-ci rendra ses conclusions à Jean-Paul Delevoye mi-décembre, et le haut-commissaire à la réforme des retraites s'est engagé à répondre point par point. "Pour lui, l'appropriation des enjeux d'une telle loi par les citoyens est très importante", estime son entourage. "On ne peut pas simplement imposer aux Français sans leur permettre de proposer. Jean-Paul Delevoye a ce principe chevillé au corps."

"Marketing". Pas de quoi convertir l'opposition, déjà persuadée, à l'image d'Eric Coquerel, qu'on "sortira comme par hasard avec des propositions en faveur du projet". Le député LFI se dit échaudé par des précédents peu convaincants. "On a vu que même lorsqu'il organisait des concertations avec les partenaires sociaux, le gouvernement avait en réalité déjà des projets finalisés", estime-t-il. "Cette consultation n'est que du marketing."