Comment Sarkozy, ministre puis président, a géré la "jungle" de Calais

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En 2002, le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy fait fermer le centre d'accueil de migrants de Sangatte. Mais sans proposer de solution alternative pérenne ou efficace. © PASCAL ROSSIGNOL / POOL / AFP
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Le candidat à la primaire Les Républicains a promis de régler le problème en quelques semaines s’il est élu en 2017. Mais quand il était au pouvoir, cela avait été compliqué. 

Le problème des migrants à Calais n’est pas neuf. Il date en fait de la fin des années 1990, quand plusieurs milliers de personnes fuient la guerre au Kosovo. Peu à peu, le problème a pris de l'ampleur. Aujourd’hui, suite à la crise migratoire des deux dernières années, près de 10.000 personnes s’entassent dans ce qu’on appelle la "jungle", en fait disséminée en plusieurs camps. A l’approche de la primaire Les Républicains, le lieu est devenu un enjeu électoral. Nicolas Sarkozy, en déplacement mercredi à Calais, a promis de régler le dossier en quelques semaines s’il était élu en 2017. Cette situation, il l'a déjà affrontée, en tant que ministre de l’Intérieur, entre 2002 et 2004 puis entre 2005 et 2007, puis comme président de la République, fentre 2007 et 2012. A une époque où le problème était, en proportion, moins important.

Pour certains, Nicolas Sarkozy a même une grande responsabilité dans la situation actuelle. Jean-François Copé, l'un de ses rivaux pour la primaire LR les plus virulents, l’a écrit franchement mardi dans une tribune au vitriol au Huffington Post. "Par ses choix, en tant que ministre puis Président, Nicolas Sarkozy a donc une responsabilité directe dans le fiasco de la gestion de ce dossier", écrit l’ancien président de l’UMP. "Il ne semble pas aujourd'hui le plus qualifié pour venir donner de leçons de morale au gouvernement depuis Calais".

Même accusation du côté de Laure de La Raudière, porte-parole de Bruno Le Maire, autre candidat à la primaire :

Quel est donc le bilan de l'action de Nicolas Sarkozy, quand il était aux affaires, sur l'épineuse question migratoire à Calais ?

  • Décembre 2002 : fermeture du centre de Sangatte

En 1999, face à l’afflux des migrants à Calais - afflux qui paraît bien modeste aujourd’hui -, le gouvernement de Lionel Jospin décide de l’ouverture d’un centre d’accueil dans un entrepôt d’Eurotunnel à Sangatte, commune limitrophe de Calais. Mais rapidement, le lieu, géré par la Croix-Rouge et prévu pour accueillir 800 personnes, en reçoit le double, voire le triple. En trois ans, plusieurs dizaines de milliers de migrants au total passent par le centre de Sangatte. Les conditions de salubrité et de sécurité ne sont plus assurées. Alors à son arrivée au ministère de l’Intérieur en mai 2002, Nicolas Sarkozy s’empare du problème.

Il décide ainsi de fermer le lieu qui, selon lui, est "le symbole d'appel d'air de l'immigration clandestine". Le démantèlement du centre de Sangatte est effectif en décembre 2002. Près de 1.800 immigrés s’y trouvaient alors. Fatalement, ils n’ont plus nulle part où aller. Face à la crainte de voir les clandestins errer dans les rues de Calais ou s’installer dans des squats ou des camps sauvages, Nicolas Sarkozy propose de les disperser dans des centres de demandeurs d’asile en France. "Ces logements ne seront pas là où ils le souhaitent mais là où nous avons des possibilités", avait expliqué le ministre de l’Intérieur de l’époque, comme le rappelle La Voix du Nord. Une solution qui ressemble furieusement à celle proposée en ce moment par Bernard Cazeneuve, l’actuel ministre de l’Intérieur, et qui soulève un tollé à droite. "On ne va pas multiplier les Calais partout en France", a déclaré mercredi Nicolas Sarkozy lui-même.

Qu'importe. Aujourd'hui, Nicolas Sarkozy présente cette fermeture du centre de Sangatte comme un atout, qui renforce sa crédibilité sur le sujet. "Celui qui a fait ça a quelque légitimité pour parler de Calais", a-t-il lancé mercredi. 

  • Février 2003 : la signature des accords du Touquet

Nicolas Sarkozy active une autre solution, en négociant avec l’Angleterre. Et c’est lui qui signe, en personne, au nom de l’Etat français, avec le ministre de l’Intérieur britannique, le Traité du Touquet le 4 février 2003. Avec une première conséquence immédiate : la Grande-Bretagne accueille d’un coup plusieurs milliers de migrants. Le nombre de clandestins à Calais chute alors de manière spectaculaire.

Mais l’accord comprend d’autres clauses, et notamment que des douaniers anglais peuvent contrôler, depuis Calais, les candidats au voyage sur le territoire britannique. Dans les faits, cela déplace la frontière franco-anglaise sur le territoire français, et aboutit au blocage des migrants à Calais. C’est cette conséquence qui est dénoncée avec force aujourd’hui, en premier lieu par Xavier Bertrand. "Géographiquement, la frontière anglaise se situe à Douvres. Nous avons été bien bons d’accepter que la frontière soit à Calais", s’indignait le président de Hauts-de-France en août dans le JDD. D’autres personnalités de droite l’ont rejoint. Alain Juppé, encore un candidat à la primaire, affirmait mardi sur Franceinfo, qu’il fallait remettre en cause les accords du Touquet. Nicolas Sarkozy en convient, lui aussi. "Les accords du Touquet doivent être renégociés", a-t-il lancé mercredi à Calais.

  • Septembre 2009 : démantèlement d’une première "jungle" de Calais

Les accords du Touquet ne mettent pas fin à l’afflux de réfugiés à Calais. Petit à petit, des centaines de clandestins se rendent à Calais et finissent pas organiser un premier camp près du port. C’est la première "jungle" de Calais, un bidonville insalubre dans lequel s’entassent environ 700 personnes. Nicolas Sarkozy, alors président de la République, envoie au front, le 22 septembre 2009, Eric Besson, ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale. Devant force caméras et nombre de journalistes, prévenus pour l’occasion, des bulldozers détruisent le camp sauvage.

Mais en fait, aucune solution pérenne n’est adoptée. Pendant plusieurs années, le nombre de migrants présents à Calais et aux alentours oscille entre 500 et 700 personnes. Et le problème n’est plus prioritaire. Puis survient la crise migratoire en Méditerranée. Depuis la Grèce et l’Italie, des milliers de migrants affluent en France, et bon nombre ont dans l’idée de rejoindre la Grande-Bretagne, où les conditions de travail sont plus souples. Mais Calais, difficilement franchissable, est un véritable goulet d’étranglement. Et les accords du Touquet y sont pour quelque chose. Difficile donc pour Nicolas Sarkozy de se dédouaner totalement.