Comment Sarkozy a anesthésié l'UMP

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Nicolas Sarkozy, le 26 mai 2015. © AFP/CHARLY TRIBALLEAU
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RÉCIT - Depuis qu'il a repris les commandes du parti, l'ancien président multiplie les concessions à ses rivaux. En réalité, il bâtit sa rampe de lancement vers 2017.
ENQUÊTE EUROPE 1

C'était il y a six mois, quasiment jour pour jour. Fin novembre 2014, Nicolas Sarkozy était élu - et bien élu - président de l'UMP. Il avait alors salué sobrement son retour aux commandes du parti, par un simple post sur sa page Facebook. Six mois plus tard, c'est à nouveau sous le signe de la sobriété que l'ancien chef de l'Etat s'apprête à acter un tournant pour l'UMP, à l'occasion du congrès que le parti tient samedi à Paris.

Qu'on se le dise : pas question de répéter le grandiose congrès de 2004, qui avait consacré Nicolas Sarkozy à grand renfort de musique tambourinante et de clips élogieux. "Ce sera pas le grand show auxquels certains s'attendaient", avertit-on à l'UMP. "Nicolas Sarkozy a voulu que ce soit tourné vers les militants". En réalité, les difficultés financières du parti sont pour beaucoup dans ce congrès "low cost".

Un congrès, pour quoi faire ? Le nouveau nom de l'UMP - "Les Républicains" - et les nouveaux statuts ont été validés en amont. Le vote des adhérents, jeudi et vendredi, fait figure de formalité, tant Nicolas Sarkozy s'est employé à déminer les obstacles. Alors pourquoi dépenser 500.000 euros pour une photo de famille ? "Ce congrès, ça va servir à faire des images au 20 heures", confie à Europe 1 le député juppéiste Benoist Apparu. "Sarkozy a besoin d'une grosse séquence pour faire passer ses messages : 'il y a un chef à l'UMP, les guéguerres sont terminées, etc'".

L'obsession du "rassemblement". Une opération de com' lors de laquelle le patron des "Républicains" prendra le soin de laisser parler les autres ténors de la droite. Pas question de donner prise à ceux qui l'accuseraient de tirer la couverture à lui. Le "rassemblement", c'est d'ailleurs l'obsession de Nicolas Sarkozy depuis son retour à la tête de l'UMP.

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De concession en concession. Cela a commencé dès le lendemain de son élection en novembre. Il a alors reçu tous les ténors du parti. En façade, de grands sourires aux caméras et de chaleureuses poignées de main. En coulisses, des négociations serrées pour répartir les postes de l'organigramme. Sarkozy s'empresse de satisfaire les desiderata des uns et des autres. Forcément, la nouvelle équipe devient pléthorique. Mais de toute façon, "l'organigramme, c'est du pipeau. Sarkozy prendra toutes les décisions seul", assure alors un cadre influent, pas dupe.

L'ancien chef de l'Etat avait promis un nouveau nom aux adhérents. D'ailleurs, on ne verra nulle part le logo de l'UMP dans ses meetings. En réalité, même avant son retour aux commandes du parti, il a déjà son idée en tête : ce sera "Les Républicains". L'initiative est accueillie avec plus de résignation que d'enthousiasme. "Les électeurs, ça leur en touche une sans faire bouger l'autre", s'amuse le juppéiste Hervé Gaymard, paraphrasant Jacques Chirac. Certains proches du maire de Bordeaux montent au créneau et demandent un vote interne. Nicolas Sarkozy s'agace, mais cède. Là encore, pas question d'être accusé d'autoritarisme, alors qu'il a martelé sur tous les tons qu'avec lui, les militants auraient à nouveau la parole.

La primaire, calumet de la paix. Mais LA concession de Sarkozy, s'il fallait n'en retenir qu'une, c'est cette primaire qui doit désigner le champion de la droite pour 2017. Une primaire dont il ne voulait pas entendre parler peu avant de revenir dans l'arène politique. "Sarko était convaincu que sa seule annonce de retour allait dégager le terrain et que tout le monde s'écraserait", assure un cadre. "Ça ne s'est pas passé comme il l'imaginait". Alors, pour calmer les ardeurs de ses rivaux, le président de l'UMP a confirmé qu'il y aurait une primaire ouverte aux électeurs de la droite et du centre. Une condition sine qua non posée par Alain Juppé.

De quoi s'assurer la paix des braves pour un bon moment ? "C'était soit la primaire, soit la guerre de tranchées. A partir du moment où la primaire est actée, c'est l'unité qui prévaut", décrypte le député Thierry Solère, un soutien de Bruno Le Maire qui pilote le groupe de travail chargé d'organiser ce scrutin, prévu pour novembre 2016. "Sarkozy est tellement convaincu qu'il écrasera ses adversaires qu'il a tout accepté", croit savoir un juppéiste. Même de se mettre en retrait de la présidence de l'UMP dès qu'il se déclarera candidat à la primaire.

Entendu sur europe1 :
Nicolas Sarkozy écoute les autres, il prend son temps. Parfois, on n'y croit même pas !

"Il écoute les autres, il prend son temps". Sarkozy, le sanguin adepte de la stratégie du clivage, serait-il devenu un chef apaisé et compréhensif ? "Il a imposé à l'UMP le tempo de l'union", a reconnu Jean-Pierre Raffarin, mercredi au micro d'Europe 1. "Il écoute les autres, il prend son temps. Parfois, on n'y croit même pas !"

Rampe de lancement vers 2017. Mais derrière cette stratégie, n'y a-t-il pas la volonté d'endormir les écuries rivales pour avoir les coudées plus franches ? Car s'il multiplie les concessions sur les détails, Nicolas Sarkozy ne veut rien lâcher sur l'essentiel. Ainsi, le changement de nom, considéré comme un sujet secondaire par ses rivaux, est crucial à ses yeux. "Il a besoin de symboles pour raconter une nouvelle histoire, comme il l'a fait entre 2004 et 2007", analyse Benoist Apparu. Petit à petit, l'ex-président bâtit ainsi sa rampe de lancement vers 2017. Par exemple en cherchant à rallier les centristes de l'UDI ou en chouchoutant les militants, censés se transformer en électeurs le moment venu.

Ces thématiques qui divisent. Pourra-t-il toujours compter sur un parti discipliné ? Alors que plusieurs cadres pointent, en sourdine, l'absence d'une ligne politique clairement définie, le véritable affrontement pourrait bien éclater sur le fond, c'est à dire sur le projet que devront porter "les Républicains" en 2017. Sur ce plan là, "tout est à faire", pointe le député Hervé Mariton. "Ces derniers mois, l'UMP n'a pas beaucoup fait avancer le débat de fond". Des conventions thématiques sont annoncées pour les prochains mois. Et les lignes de fracture sur des sujets comme l'immigration, l'Europe ou les questions sociétales pourraient apparaître. Jusqu'ici, Nicolas Sarkozy a soigneusement déminé les sujets d'organisation et de calendrier. Mais sur les idées, le "rassemblement" sera-t-il toujours de mise ?