Comment Hollande veut relancer l’Europe

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ZOOM - Le président veut concrétiser l’idée de gouvernement économique de la zone euro. Compliqué.

"Sortir l’Europe de sa langueur", tel est l’un des objectifs que s’est assigné François Hollande, jeudi, lors de sa conférence de presse. Parce qu’il juge la "remise en ordre" de l'économie nationale amorcée, le président français s’attaque désormais à une montagne : faire marcher les pays européens d’un même pas. Pour cela, il a dévoilé sa "boîte à outils" à la sauce bruxelloise (politique énergétique commune, plan emploi pour les jeunes européens, plan d'investissement pour les technologies de l'information et de la communication). Mais le président se trouve confronté à quatre défis d’envergure.

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Le serpent de mer de la gouvernance économique. Jacques Delors avait tenté de l’inclure dans le Traité de Maastricht. Lionel Jospin s’y est aussi essayé, tout comme Edouard Balladur. Même Angela Merkel et Nicolas Sarkozy l’avaient évoqué en 2010 lors d'une réunion en tête à tête. Avant d'enterrer le sujet. Bref, ils se sont tous cassé les dents. François Hollande va tenter de faire mieux. Jeudi, il a proposé la mise en place d’un gouvernement économique de la zone euro, qui "se réunirait tous les mois autour d’un véritable président nommé pour une durée longue". Objectif : harmoniser les fiscalités et lutter contre la fraude fiscale.

Mais en creux, c’est la possibilité offerte à la Banque centrale européenne de lever l’emprunt qui intéresse le président français. Et c’est là où le bât blesse. Car si, sur le principe, Angela Merkel n’est pas contre une plus forte harmonisation économique, pas question pour elle d’entendre parler des eurobonds chers à son voisin français.

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S’entendre (enfin) avec Merkel. A défaut d’un mariage d’amour, Hollande s’est résolu à un mariage de raison avec son homologue allemande. Après avoir assumé, en mars, entretenir "une tension amicale" avec Berlin, le président français est revenu à de meilleurs sentiments. Jeudi, il a donc (enfin) répondu aux envies d’Europe politique de la chancelière allemande, car "ce n’est plus une affaire de sensibilités politiques, c’est une affaire d’urgence." Conclusion : "la France est disposée à donner un contenu à cette union politique".

Si le président français est resté flou sur les contours d’un tel dispositif, une chose est certaine : le couple franco-allemand est "indispensable. Je dis bien indispensable." Ça tombe bien, après des débuts hoquetants, l’heure est au dégel avec Angela Merkel, qui assurait le matin même que "la relation franco-allemande repose sur une base très solide. Ma relation personnelle avec François Hollande est bonne, cela n’exclut pas que nous divergions parfois sur le fond".

Claude Bartolone janvier 2010 630

Convaincre sa majorité… Le positionnement politique de François Hollande - social-démocrate sans le dire - heurte parfois les élus socialistes. La signature du Traité européen, négocié par Sarkozy, n’a pas encore été digérée par son aile gauche. Cette même aile gauche qui reproche à son chef d’obéir à Bruxelles le doigt sur la couture. Fin avril, le Parti socialiste a donc décidé de marquer les esprits, fustigeant "l'intransigeance égoïste" de la chancelière allemande Angela Merkel, allant jusqu'à appeler à un "affrontement démocratique" avec l'Allemagne.

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François Hollande et le germanophile Jean-Marc Ayrault ont déminé. Ils vont maintenant devoir convaincre du bienfondé de marcher main dans la main avec Berlin. Du côté de Bruxelles, on l’est déjà : "nous saluons l'engagement profond de la France et des autorités françaises en faveur de l'Europe", a ainsi affirmé un porte-parole de la Commission européenne, vendredi.

Jean-Luc Mélenchon, lui, sera difficile à amadouer : "cette nouvelle étape d'intégration politique et économique est un traité dans lequel une fois de plus on aura des mécanismes de sanctions, de surveillance. Gouvernement économique, ça veut dire droit de veto de la Commission européenne sur les budgets nationaux. Depuis quand la Commission gouverne-t-elle la France ?", a lancé le tribun du Front de gauche, jeudi soir, sur Europe 1.

… et les Français. Entraîner la majorité dans son sillage ne sera pas sa tâche la plus ardue. Les Français seront encore plus difficiles à séduire. La crise est passée par là, avec ses corollaires : tentation du repli sur soi, Bruxelles vu comme un bouc-émissaire, spectre grec et chypriote. Une enquête publiée la semaine dernière par le très sérieux Pew Research Center - un institut américain qui, tous les ans, sonde et compare les points de vue des populations d’une quarantaine de pays -  démontrait d’ailleurs que le projet européen ne rallie plus que 41% d’opinions favorables, soit une baisse de 19 points en un ! François Hollande en a bien conscience : "mon objectif, c’est de réduire la désaffection des peuples". Tout un programme.