Classes moyennes : comment capter leur vote ?

Les classes moyennes s'imposent au fil des semaines comme un des enjeux majeurs pour les candidats à la présidentielle, qui courtisent cette tranche de la population plutôt à gauche mais sensible au débat sur la fiscalité et inquiète d'un éventuel déclassement.
Les classes moyennes s'imposent au fil des semaines comme un des enjeux majeurs pour les candidats à la présidentielle, qui courtisent cette tranche de la population plutôt à gauche mais sensible au débat sur la fiscalité et inquiète d'un éventuel déclassement. © MAXPPP
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Hélène Favier , modifié à
Elles ont voté MoDem en 2007, Europe Ecologie en 2009. Qui sera leur favori en 2012 ?

"Classes moyennes : faites confiance à la gauche, la droite vous a déjà trahies". S’il fallait une phrase pour symboliser l’importance que les politiques accordent aux classes moyennes dans cette élection présidentielle, ce serait certainement celle-ci. Mardi soir à Toulon, devant 2.000 personnes, François Hollande a interpellé les fameuses "classes moyennes", comme s’il s’agissait d’un seul homme, les exhortant à rallier sa cause.

Quelques heures avant lui, lors du petit-déjeuner hebdomadaire de la majorité à l'Elysée, c’est Nicolas Sarkozy qui s’était inquiété du sort de ces mêmes classes moyennes, estimant que le candidat socialiste se livrait à "une attaque absolument sans précédent" contre elles, via notamment "la progressivité de la CSG, la suppression du quotient familial, etc."

Elles incarnent "la France qui tient"

Pourquoi cet intérêt spécifique pour elles - plus que pour les classes populaires par exemple ?

C’est que les classes moyennes représentent "la pièce la plus convoitée de l’échiquier politique", constatent Dominique Goux et Eric Maurin, les auteurs de Les nouvelles classes moyennes.

"Ni prolétariat ni bourgeoisie, elles dessinent dans notre imaginaire ce groupe central, sans l’appui duquel on ne peut espérer gagner une élection importante", ajoutent-ils.

En 2007, ces classes moyennes - petits patrons, indépendants, profs, salariés gagnant entre 1.600 euros et 5.000 euros - s’étaient laissées séduire "par le MoDem". En 2009, "lors des Européennes, elles avaient massivement voté pour Europe Ecologie". Bref, "on voit donc que c’est un électorat médian, pivot et surtout non acquis", explique à Europe1.fr l’économiste Eric Maurin. Tout l’enjeu électoral des classes moyennes est là : elles sont la charnière qui peut basculer lors d’une élection importante.

Les arbitres de l’élection

Votant "très rarement pour les extrêmes, le FN ou le NPA", elles sont donc le "pompon du manège" pour les grands partis comme le PS ou l’UMP. S’ils les séduisent, ils s’assurent de remporter le scrutin. C’est pour cette raison, qu’elles sont "plus que jamais, le point focal des discours politiques", analyse Eric Maurin qui juge toutefois que "le surinvestissement dont elles bénéficient peut même aller jusqu’à la caricature".

Comment les deux grands partis français peuvent-ils s’y prendre pour les séduire ? Chaque camp à sa stratégie et son discours pré-construit. "La droite défend ainsi des classes moyennes "martyrisées" par les politiques égalitaristes, tandis que la gauche dénonce leur "prolétarisation" au profit d’une oligarchie financière", répondent Dominique Goux et Eric Maurin.

Deux thèmes pour les séduire

Reste que, "pour obtenir leur vote, le thème de l’éducation semble être un bon point d’entrée", explique Eric Maurin à Europe1.fr. "Les classes moyennes sont, en effet, très angoissées par un possible déclassement. N’ayant pas de réseaux, ni grande épargne, l’école et les diplômes sont le seul moyen, pour les classes moyennes, de se maintenir ou de progresser. L’éducation de leurs enfants est primordiale".  

Autre thème que les candidats doivent développer pour les "draguer" : le logement.

"Il est, en effet, indiscutable qu’une fraction non négligeable des classes moyennes est aujourd’hui comme prisonnière de quartiers en voie d’appauvrissement qu’elles n’ont pas les moyens de quitter", assure Eric Maurin qui estime qu’elles sont dans "le ressentiment" dès qu’il s’agit d’habitat. Les classes moyennes ne rentrent pas dans les critères d’attribution des logements sociaux et les prix de l’immobilier ont trop augmenté pour leurs pouvoirs d’achat, d’où leur colère.

Par conséquent, il y a de grandes chances pour que le logement et l'éducation deviennent la nouvelle course à l'échalote des politiques, jusqu'en mai prochain.