Chevènement : "une bêtise d’intervenir en Syrie"

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INTERVIEW E1 - Le sénateur attend des preuves et recommande la prudence car "on n’a pas de certitudes".

 Mercredi s’est tenu le débat parlementaire sur une éventuelle intervention française en Syrie. Jean-Pierre Chevènement était présent. Au lendemain de cette discussion agitée dans l’hémicycle, le sénateur de Belfort a répondu aux questions d’Europe 1, et justifié son refus de voir la France intervenir à Damas.

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"Il faut se tenir au droit". Alors que la France et les Etats-Unis savent pertinemment qu’ils n’auront pas de mandat de l’ONU en raison du veto russe au Conseil de sécurité, Jean-Pierre Chevènement en fait, lui, une condition sine qua none  avant d’envisager des frappes occidentales. "Le mot punir fait partie d'un autre univers, celui de la morale. Or le droit protège tous les pays, le droit tel qu'il a été fixé par le Conseil de sécurité des Nations Unies, c'est cela la légalité internationale." Et de rappeler que "si on veut rester sur le terrain du droit, il faut considérer que la Syrie n'est pas signataire de la convention d'interdiction des armes chimiques".

Pas question pour lui, donc, de frapper la Syrie pour le moment. "Des frappes en dehors du Conseil de sécurité des Nations Unies, on a vu ce que donnait ce type d'ingérence : en Irak, au Kosovo. D'une certaine manière, on a vu le résultat d'une résolution détournée de son sens en Libye ; ce sont les milices islamistes qui sont maîtresses du terrain aujourd'hui."

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"Colin Powell était sûr également qu'il avait la preuve…" C’est une requête avancée par nombre de parlementaires : attendre la fin de l’enquête des experts de l’ONU pour avoir des preuves sûres et certaines de l’utilisation d’armes chimiques lors du massacre de Damas du 21 août dernier. Devant les élus, Jean-Marc Ayrault a fait part "des certitudes" de l’exécutif. Mais "Colin Powell était sûr également qu'il avait la preuve quand il agitait sa fiole au Conseil de sécurité de l'ONU..." pour attester de l’existence d’armes de destruction massive en Irak, en 2003, a ironisé Jean-Pierre Chevènement.

"Les preuves qu'allégeaient les Américains en 2003 pour envahir l'Irak et les armes de destruction massive qu'ils n'ont pas trouvées, je regrette...", a-t-il poursuivi. "Je dis qu'il faut être très prudent, qu'il n'y a pas de certitude à 100%. Il se peut que les frappes émanent du gouvernement syrien et peut-être d'un général qui s'est affranchi des ordres gouvernementaux, c'est une hypothèse que j'ai à l'esprit."

"Quel est l’objectif politique ?" C’est un autre point qui fait débat. Mercredi, le débat qui s’est tenu au parlement n’a pas été conclu par un vote, car la Constitution ne l’impose pas. Mais nombre de parlementaires exigent d’être consultés par le gouvernement avant toute décision. Jean-Pierre Chevènement, lui, a préféré temporiser : "pourquoi me soumettez-vous à la question ? Pourquoi aurai-je à répondre à une question qui n'a pas encore été posée ? Je pense qu'il faut attendre que le gouvernement s'engage sur une ligne. Quel est le cadrage politique de cette affaire ? Quel objectif politique ?", s’est-il demandé, avant de confier la teneur des propos qu’il a tenus au chef de l’Etat : "je lui ai dit que je souhaitais vraiment que le gouvernement évite de faire une grosse bêtise... (…) Aujourd'hui, oui, ce serait une bêtise d'intervenir, compte tenu de l'incertitude dans laquelle nous restons", a-t-il conclu.