Ces noms que Sarkozy aime tant citer

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Hélène Favier , modifié à
En nommant Pigasse ou Poivre d'Arvor, Sarkozy veut présenter Hollande en "candidat du système".

Deux hommes d’affaires : Mathieu Pigasse et Pierre Bergé. Un patron de radio : Olivier Poivre d'Arvor. En l’espace de quatre jours, lors de deux interviews, Nicolas Sarkozy a reproché à François Hollande sa proximité avec ces trois patrons français. Il sous-entend que son adversaire socialiste profite largement de leurs moyens et de leurs soutiens. Pourquoi Nicolas Sarkozy s'est-il lancé dans cette chasse aux patrons de gauche ? Quel gain en espère-t-il ? Voici quelques éléments de réponse.

Ce qu’a dit Nicolas Sarkozy

"Imaginez si un dirigeant d'une radio publique faisait campagne pour moi dans L'Express !". Jeudi matin, Nicolas Sarkozy a évoqué et dénoncé, lors d’une interview sur France Inter, le soutien apporté à la gauche par le directeur de France Culture Olivier Poivre d'Arvor. "On peut aussi citer Pigasse", a également laissé échapper, un peu plus tard, le président-candidat, qui avait déjà nommé, trois jours plus tôt sur RTL, le directeur de la banque Lazare. Nicolas Sarkozy enrageait alors : "C'est moi qui suis l'ami de Pierre Bergé, propriétaire du Monde, financier revendiqué de François Hollande ? C'est moi qui suis l'ami du banquier chez Lazare, Matthieu Pigasse, richissime, mettant l'ensemble de ses moyens au service de Dominique Strauss-Kahn d'abord, puis de François Hollande ?"

Qui sont ceux visés par Nicolas Sarkozy ?

Nicolas Sarkozy a cité plusieurs noms, mais vise tout particulièrement : Pierre Bergé co-actionnaire du quotidien Le Monde avec Xavier Niel et Matthieu Pigasse, qui a officiellement apporté son soutien et "sans hésiter" à François Hollande pour la présidentielle. Quant au journaliste et écrivain Olivier Poivre d’Arvor, il a publié, dans l’Expressune tribune "engagée à gauche" selon les mots du patron du magazine. Cependant, dans ce texte, le frère du présentateur télé n'appelle pas, nommément, à voter pour François Hollande. Enfin, Matthieu Pigasse, homme de gauche et propriétaire de plusieurs magazines (Les Inrocks), n'a pas, lui non plus, appelé publiquement à voter pour l'élu de Corrèze.

ENDOSSER LE COSTUME DE L'OUTSIDER

Pourquoi Sarkozy a-t-il choisi cette technique ?

"Si Nicolas Sarkozy use de cette technique c’est avant tout pour contrer l’image, majoritaire dans l’opinion, selon laquelle il a mené une politique en faveur des catégories plus aisées durant son quinquennat. Il essaie ainsi de dire que c’est François Hollande - et surtout pas lui - l’ami des riches", explique à Europe1.fr le politologue Stéphane Rozès, fondateur de l’agence CAP. En faisant cela, il poursuit "la même logique que celle construite à Annecy ou à Marseille : lui, est le seul candidat de l’alternance face aux élites et aux corps intermédiaires qu’il ne veut plus voir", renchérit Gérard Grunberg, politologue et chercheur au CNRS.

Ce qu’en pense l’opposition ?

"Ces nouvelles sorties sur les financiers sont clairement une stratégie, une manière de redire l’histoire", fustige, pour sa part l’opposition par la voix de Najat Vallaud-Belkacem. "Nicolas Sarkozy raconte ainsi une histoire où il est tout neuf", insiste la porte-parole de François Hollande : "il essaie de se faire passer comme l’outsider qui doit faire face à un ‘candidat du système’ ", explique-t-elle à Europe1.fr.

En insistant sur ces noms de financiers et de patron des médias, "Nicolas Sarkozy cherche en permanence à faire oublier qu’il détenait - jusqu’à présent - toutes les manettes", martèle Najat Vallautd-Belkacem. "Cette stratégie est complètement ubuesque ! Le système qui a fonctionné depuis cinq ans : c’est celui de Nicolas Sarkzoy. Les électeurs ne sont pas dupes".

Est-ce que cette stratégie peut marcher ?

"Ce type de campagne, frontale, d’attaque de l’adversaire rappelle celles que menait Karl Rove aux Etats-Unis lorsqu’il dirigeait la campagne de George W. Bush. Elle a fonctionné Outre-Atlantique, mais elle a peu de chance de fonctionner en France", analyse encore Stéphane Rozès avant de préciser : "Pour preuve : Ségolène Royal avait opté à la fin de sa campagne de 2007 pour une telle stratégie, dénonçant les amitiés de Nicolas Sarkozy avec plusieurs grands patrons. Se fût sans succès".