Cannes : Sokourov, la Tchétchénie à travers une grand-mère

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Rédaction Europe1.fr , modifié à
Alexandre Sokourov est en compétition ce jeudi à Cannes mais le cinéaste russe n'a pas fait le déplacement "pour raisons de santé". C'est en Tchétchénie qu'il situe l'action de son dernier film, "Alexandra". Il livre à son tour l'un des nombreux portraits de femmes, ici une vieille dame, que compte cette sélection du 60e Festival de Cannes. Le film sortira en France le 26 septembre.

Encore un portrait de femme à Cannes. Cette fois il est signé Alexandre Sokourov. Alexandra, interprétée de la plus sobre manière qu'il soit par la cantatrice Galina Vichnevskaia, fait un bref aller-retour en Tchétchénie pour aller rendre visite à son petit-fils dans ses cantonnements. La caméra de Sokourov suit ainsi cette vieille dame, qui se déplace difficilement, dans son cheminement à l'intérieur du camp, où elle discute souvent avec des soldats - encore des gamins - étonnés, voire amusés, mais suscitant leur respect et leurs attentions, puis dans le village tchétchène attenant. Elle y fera la connaissance d'une vieille femme tchétchène et cette brève rencontre se soldera par le début d'une véritable amitié non seulement entre elles deux mais avec les autres femmes caucasiennes qui tiennent un étal dans ce marché, solidarité féminine que Sokourov oppose de toute évidence à un certain instinct de mort mâle. Les retrouvailles avec le fils, qui a grade de capitaine, passeront par beaucoup de hauts et un bref bas, celui-ci, quand bien même endurci par les combats, déplorant le peu d'affection manifestée au sein de cette famille slave dont il est l'un des cadets. Mais l'apaisement viendra lorsque, au terme de ce menu règlement de comptes, le petit-fils coiffera sa grand-mère et, comme lorsqu'il était enfant, lui confectionnera une longue tresse d'argent. Un peu à la manière d'un Gus Van Sant, Sokourov est fasciné par les visages et il restitue cette fascination d'admirable façon, ici dans des tons délavés ou sépia. On ressent toujours une très forte impression de beauté quel que soit le visage qu'il nous montre. Le dit visage peut être à l'évidence beau - tel celui du jeune Tchétchène qui reconduit Alexandra au camp après son incursion au marché - mais la beauté se dégage tout aussi bien de traits moins remarquables ou bien déformés par la vieillesse. Alexandre Sokourov devait donner une conférence de presse ce jeudi pour défendre son film mais le Festival de Cannes a annoncé son annulation la veille, le cinéaste étant "retenu en Russie pour raisons de santé". Dans les notes de production, il écrit qu'"Alexandra" "ne parle pas de l'actualité mais de ce qui est éternel". Le cinéaste, qui est souvent venu à Cannes pour briguer la Palme d'or, sans succès jusqu'à présent, s'exprime également sur son refus de filmer la moindre scène de combat. "Je n'aime pas les films de guerre de fiction", explique-t-il. "Il me suffit d'avoir vu la guerre une fois pour que toutes ces attaques spectaculaires, ces explosions hautes en couleur, ces corps tombant au ralenti évoquent définitivement pour moi l'idée de vulgarité et de faux", poursuit-il.