Budget : les ministres défilent, Bercy arbitre

Christian Eckert et Michel Sapin
Michel Sapin participe aux conférences budgétaires lorsque les arbitrages de Christian Eckert sont contestés. © PATRICK KOVARIK / AFP
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Anne-Laure Jumet avec B.V. , modifié à
Les bureaux du secrétaire d'État au Budget Christian Eckert ont été le théâtre de vives négociations cet été. Chaque ministre y mène une bataille âpre pour défendre ses crédits.
L'ENQUÊTE DU 8H

Cet été, Christian Eckert était l'homme qui compte au gouvernement. Pas sur le devant de la scène, mais au moins en coulisses. Cette année encore, ses collègues ministres ont défilé dans le bureau de style Empire du Secrétaire d'État au Budget pour défendre le montant de leur ligne de crédit. Entre le 6 et le 27 juin, ce dernier a tenu pas moins de 21 conférences budgétaires avec 18 ministres différents. Certains se sont même déplacés plusieurs fois pour obtenir ses grâces… Mais les arbitrages rendus par le maître des crédits gouvernementaux ne pouvaient pas satisfaire tout le monde cette année.

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Les discussions avec Jean-Jacques Urvoas n'ont pas été simples.

Ton qui monte et portes qui claquent. Pour ce dernier budget du quinquennat, les ministres se sont montrés gourmands : il y avait un écart de 18 milliards d'euros entre leurs exigences et les préconisations de Bercy. C'est deux fois plus que d'habitude. Alors le ton a pu monter. Les portes peuvent claquer, aussi, par exemple lorsque Christian Eckert s'était présenté avec un léger retard devant Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, l'an dernier. Et il a parfois fallu recourir aux arbitrages du Premier ministre, Manuel Valls, sollicité par une petite dizaine de ministres.

"Les discussions avec Jean-Jacques Urvoas (ministre de la Justice) n'ont pas été simples", se rappelle Christian Eckert. "On a eu quelques difficultés avec le ministère de l'Éducation nationale et de la recherche, notamment sur la partie recherche", ajoute-t-il. Après une âpre bataille et deux réunions à Bercy, Jean-Jacques Urvoas a obtenu des créations de poste et Najat Vallaud-Belkacem la préservation de certains crédits sur la recherche.

Des largesses en fin de quinquennat. Lorsqu'il pilotait le Budget en 2014, Bernard Cazeneuve avait offert des chocolats à Manuel Valls, tout en lui glissant : "C'est la seule chose que je peux offrir." Le ton est léger mais les négociations fermes. "Moi j'ai été obligée de couper certaines aides que l'État donne aux conservatoires", se souvient Aurélie Filipetti. "C'est absolument aberrant." Et l'ancienne ministre de la Culture de fustiger les inégalités entre ministères : "Pour Bercy, la Culture, c'est en quelque sorte du gras à tailler. On est considéré comme un ministère frivole, qui ne sert à rien, une danseuse."

À quelques mois de l'élection présidentielle, les arbitrages se sont faits moins douloureux. Les ministères des Finances, de l'Économie et de l'Aménagement du territoire voient tout de même leurs crédits reculer. Un risque face auquel tous les ministres ne sont pas égaux. Jean-Yves Le Drian, proche de François Hollande et inamovible ministre de la Défense, a l'oreille du Président pour contourner Bercy. En 2015, le ministère du Budget ne voulait pas desserrer les cordons de la bourse. Mais l'Elysée a mis tout son poids dans la balance... et plus de 2 milliards d’euros avaient été débloqués.