Budget en baisse, population procédurière et coup bas politiques : pourquoi les maires jettent l'éponge

maires, maire, édile, mairie 1280 JACQUES DEMARTHON / AFP
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Marguerite Lefèvbre, Frédéric Michel et François Coulon, édité par Anaïs Huet
Selon une étude, 50% des maires ne souhaitent pas briguer un nouveau mandat en 2020. Nombreux se plaignent de ne plus avoir les moyens de mener leur politique à bien.
ON DÉCRYPTE

Le Congrès des maires s'ouvre mardi à Paris dans un contexte tendu, lié à l'absence d'Emmanuel Macron, en dépit de sa promesse formulée il y a un an. À la place, le chef de l'État a envoyé une lettre de quatre pages aux édiles pour leur expliquer sa feuille de route. Cela suffira-t-il à apaiser les élus locaux qui, harassés par le quotidien, sont de plus en plus nombreux à rendre leur écharpe.

En effet, selon une enquête inédite menée par le centre de recherches de Sciences Po, un maire sur deux aurait l'intention de ne pas se représenter en 2020. Les maires des plus petites communes sont les principaux concernés. C'est du jamais vu. En comparaison, en 2014, quelques mois avant les municipales, 70% des maires disaient vouloir rempiler pour un nouveau mandat. 

Des ambitions mais pas de moyens. La baisse des dotations est le premier argument invoqué par ces élus. S'ajoutent la réduction des contrats aidés dans les mairies, et la suppression progressive de la taxe d'habitation, qui rapporte chaque année environ 22 millions d'euros. Certains maires estiment aujourd'hui qu'ils n'ont plus les moyens de faire tourner leur ville. Ils évoquent même une fatigue psychologique.

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C'est le cas de Michel Flamen d'Assigny, maire de la petite commune de Châteauneuf-Val-Saint-Donat, dans les Alpes-de-Haute-Provence. À 71 ans, las des de la foule de problèmes liés à sa fonction, il a décidé de jeter l'éponge. Avec la baisse des dotations, l'édile ne peut plus entretenir les routes, ni remplacer les canalisations, dont certaines datent des années 1950. Et pour rénover le toit de l'église qui menaçait de s'écrouler, il a mis pas moins de deux ans pour boucler le financement. "Nos responsabilités pénales font aujourd'hui que l'on est inquiets. Le maire a des responsabilités mais plus de pouvoir de décision", déplore-t-il au micro d'Europe 1.

Entendu sur europe1 :
Avant, on arrivait à s'arranger avec la population, à trouver des compromis. Aujourd'hui, systématiquement, on va au tribunal

Des administrés très procéduriers. Michel Flamen d'Assigny, cinq mandats à son actif, se sent souvent bien seul face aux méandres administratifs et à la complexité de sa tâche. Il dit même se sentir "abandonné par l'État." Son découragement est alimenté par la gestion difficile d'une population devenue très procédurière. Son projet d'éolienne a par exemple été retoqué par le conseil d'État, après dix ans de procédures judiciaires menées par quelques habitants. "Il faut tout, tout de suite, et gratuitement. Avant, on arrivait à s'arranger avec la population, à trouver des compromis. Aujourd'hui, systématiquement, on va au tribunal. C'est devenu très pénible", souffle-t-il.

À Saint-Pierre-Quiberon, en Bretagne, la maire Laurence Le Duhevat porte elle aussi un regard peu amène sur certains de ses administrés, et notamment les résidents secondaires, nombreux dans cette ville côtière. "Ce sont des gens très exigeants qui nous prennent pour Bécassine. Des septuagénaires qui ne pensent qu'à eux, contestent tout, pour leur propre intérêt", décrit-elle, désabusée.

Entendu sur europe1 :
On reçoit des coups de poignard dans le dos quand on ne s'y attend pas, dans notre propre majorité

Les coups bas en politique. Laurence Le Duvehat, médecin généraliste, n'avait jamais été élue avant de diriger Saint-Pierre-Quiberon en 2014. Très vite, elle a découvert les affres de la trahison en politique. "On reçoit des coups de poignard dans le dos quand on ne s'y attend pas, dans notre propre majorité. Je trouve que c'est ingrat d'avoir un 'oui' droit dans les yeux, et un travail de sape par derrière. Quand vous avez autant d'obstacles devant vous, à un moment, vous n'avez plus la force. Vous avez beau avoir de belles idées, un enthousiasme débordant… Vous pouvez être cassés", soupire-t-elle.

L'édile souligne un autre fléau, particulièrement pénalisant pour un novice : la valse de cadres municipaux. "En quatre ans et demi, j'ai connu quatre directeurs généraux des services. Pourtant, c'est le poste-clé. C'est dingue, on se vendrait au plus offrant… Je suis stupéfaite. Les gens veulent toujours plus, en mettant les élus en grande difficulté", s'agace Laurence Le Duvehat. 

Cette montagne de difficultés a fini, de surcroît, par mettre la vie de couple de la maire en péril. D'où cette décision de ne pas renouveler l’expérience en 2020.