Bricq : les écologistes s'interrogent

Plusieurs écologistes craignent que le départ de Nicole Bricq soit lié au dossier des forages en Guyane de Shell.
Plusieurs écologistes craignent que le départ de Nicole Bricq soit lié au dossier des forages en Guyane de Shell. © Max PPP
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avec agences , modifié à
Certains voient dans son départ du ministère de l’Écologie la patte des lobbys pétroliers.

L'éviction de Nicole Bricq du ministère de l’Écologie n'en finit plus de susciter des remous chez les écologistes. Plusieurs personnalités ont déjà pris la parole pour exprimer leur "surprise", et apporter leur soutien à l'ancienne ministre.

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Certains défenseurs de l'environnement craignent en effet que ce remaniement soit marqué de la patte du lobbying de l'Industrie pétrolière, qui aurait fait plier l'exécutif.

Le gouvernement se contredit sur des forages en Guyane.

Petit rappel des faits. Dès son arrivée au ministère, Nicole Bricq fait savoir sa volonté de réécrire le code minier. Ce code, qui régit l'exploitation du sous-sol français, est accusé de sacrifier l'environnement sur l'autel du libéralisme. Il y a dix jours, l'ex-ministre de l’Écologie avait donc annoncé - conjointement avec son homologue chargé du Redressement productif Arnaud Montebourg - une "remise à plat" de tous les permis d'exploration pétroliers et gaziers.

Conséquence immédiate : des forages très profonds, préparés depuis des mois et programmés cet été par Shell en Guyane,qui n'attendaient plus que les fameux arrêtés préfectoraux pour pouvoir démarrer, se retrouvaient du même coup dans le cadre de cette "mise à plat", et donc suspendus. 

Mais la décision de Nicole Bricq, annoncée à la stupéfaction de l'industrie pétrolière, a été rapidement contredite, après notamment la montée au créneau d'élus guyanais, très attachés aux retombées socio-économiques des forages. Et ces derniers ont finalement commencé dès mercredi dernier. "Je confirme que les forages ont été autorisés", a déclaré samedi la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem.

Du pétrole découvert en Guyane

© Max PPP

La pilule passe mal chez les écologistes

"Il est difficile de ne pas voir l'éviction de Nicole Bricq comme la conséquence possible d'un lobbying efficace mené par l'industrie pétrolière. Il est vrai qu'en période de crise, le chantage à l'emploi est d'une redoutable efficacité", s'est alarmée vendredi l'association France nature environnement dans un communiqué.

"Je ne sais pas si elle est vraiment partie à cause du forage en Guyane, si c'est le cas c'est très grave. C'est un très mauvais signal que ce gouvernement enverrait à l'écologie et même en général à la société", a renchérit samedi sur RTL Pascal Durand, qui a remplacé Cécile Duflot comme secrétaire national d'Europe Ecologie-Les Verts.

L'ancienne ministre de l'écologie, Corinne Lepage, s'est elle aussi étonnée de ce revirement, dans une interview au JDD.fr. "Elle a manifestement pris une décision que le lobby pétrolier ne voulait pas", estime-t-elle. Corinne Lepage déplore surtout que cette "femme de poids et de caractère" laisse sa place à Delphine Batho. "On la remplace par quelqu'un qui sera peut-être une très bonne ministre mais qui n'a aucune compétence particulière dans le domaine de l'environnement et dont on se demande pourquoi elle arrive dans ce ministère", affirme-t-elle.

"C'est le seul portefeuille qui a changé"

"C'est le seul portefeuille qui a changé, c'est quand même un drôle de message", s'est quant à lui interrogé le chef de file d'Europe Ecologie-Les Verts au Sénat, Jean-Vincent Placé, sur Europe1. Le sénateur écologiste parle même du "premier couac du gouvernement".  

L'Union française des industries pétrolières (Ufip) rejette catégoriquement toute idée de pression des lobbys du secteur, dans l'éviction de Nicole Bricq. "On est dans le fantasme, c'est totalement inapproprié",

duflot, ministre

a réagi le président de l'Ufip, Jean-Louis Schilansky.

La ministre du Logement Cécile Duflot, qui a quitté samedi la direction d'EELV, a toutefois assuré avoir fait part de la préoccupation des écologistes au Premier ministre et avoir obtenu des assurances de la remplaçante de Nicole Bricq Delphine Batho. "La nouvelle ministre de l'Ecologie m'a assuré non seulement que tous les enjeux environnementaux en Guyane seront amenés à être réexaminés mais que la réforme du code minier mettrait un terme définitif au recours à la fracturation hydraulique", a-t-elle affirmé devant le conseil fédéral du parti.

L'UMP en profite

Outre Shell, c'est l'opposition qui se réjouit de ce revirement gouvernemental. L'UMP s'est immédiatement saisie de ce "premier couac" au sein de la majorité présidentielle. "La réalité des faits, c'est quand même une trahison par rapport aux principes de l'écologie parce que Nicole Bricq avait à juste titre refusé de signer des autorisations de forages en eau profonde au large de la Guyane, ce qui a entraîné une bronca", a lancé pour sa part la sénatrice UMP Chantal Jouanno. "Le jour où, justement, on constate qu'elle a perdu son arbitrage, elle est reléguée au poste de ministre du Commerce extérieur, certes important, mais dont le périmètre est largement inférieur à celui de l'Ecologie", a  ajouté sur France Info l'ancienne secrétaire d'État chargée de l'Écologie.