Baisse des impôts : Hollande "en terrain ultra-miné"

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Pour François Hollande, pas sûr que l'annonce d'une baisse d'impôts paye. © Christophe Ena / POOL / AFP
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La baisse de l’impôt sur le revenu, annoncée à moins d’un an de la présidentielle, a forcément aussi des visées électorales. Mais est-ce efficace ?

Attendu depuis plusieurs mois, la baisse d’impôt annoncée par François Hollande en mai dernier a été confirmée vendredi, et précisée dans ses contours. Les classes moyennes sont concernées au premier chef, et selon Bercy, 5 millions de foyers fiscaux seront impactés. Et donc plusieurs missions d’électeurs potentiels, ce que l’exécutif, à huit mois de la présidentielle, ne peut évidemment pas ignorer. La ficelle est un peu grosse, et même si des signaux plaident pour cette stratégie, pas sûr en outre qu’elle soit efficace.

Une vraie préoccupation pour les Français
C’est un fait nouveau. Aujourd’hui, la question fiscale est devenue l’une des préoccupations majeures des Français. Selon un sondage de l’Ifop datant de juillet dernier, 50% des personnes interrogées la placent dans les priorités des candidats à l’élection présidentielle. La question des impôts est ainsi à la cinquième place. En mars 2012, un petit mois avant l’élection, seuls 35% des Français évoquaient les impôts, qui n’apparaissaient qu’à la neuvième position des préoccupations. Et ils n’étaient que 24% à en parler en 2007. A l’Elysée, on ne peut ignorer cet état de fait.

Les exemples du passé
Ces vingt dernières années, par deux fois des présidents sortants ont tenté de reconquérir le pouvoir : Jacques Chirac en 2002 et Nicolas Sarkozy en 2012. Le premier, qui subissait une cohabitation avec, n’avait pas la main sur les questions fiscales. Il s’est donc contenté de promettre de baisser les impôts de 33% sur cinq ans s’il était réélu. La question n’était alors pas centrale dans l’opinion. "Mais ça a forcément joué, face pourtant à un Lionel Jospin qui avait un très bon bilan", assure Frédéric Dabi, de l’Ifop. Et au final, c’est bien le candidat socialiste qui avait été éliminé dès le premier tour.

Quant à Nicolas Sarkozy, lui qui avait baissé les impôts lors des deux premières années de son quinquennat, il n’a eu d’autres choix, crises financière et économique oblige, que de les augmenter par la suite, et notamment en 2011, année pré-électorale. Et, même s’il est impossible de mesurer la conséquence de ses hausses d’impôt sur le vote des électeurs, le président sortant a été battu. Voilà qui plaide également pour la mesure annoncée vendredi.

Attention, "terrain ultra-miné" pour Hollande
Mais pour le gouvernement et pour François Hollande, évoquer la question fiscale est en soi un risque. Celui de réactiver le ras-le-bol fiscal, qui sera l’un des marqueurs les plus négatifs du quinquennat. Pour le président de la République, "c’est un terrain ultra-miné", confirme Frédéric Dabi, de l’Ifop. "Pour son quinquennat, tout a mal commencé précisément sur cette question fiscale, dès septembre 2012, avec le choc fiscal (une hausse d’impôt de 30 milliards d’euros, ndlr). Et puis il y a eu en septembre 2013, le fameux épisode du ras-le-bol fiscal. Si bien qu’en la matière, la véracité de la parole de François Hollande est challengée, très peu crédible", poursuit le directeur du département opinion de l’Institut de sondage.

"Il a raison de le faire", mais…
Au final, François Hollande, que 85% des Français ne veulent pas voir rempiler, selon un sondage Ifop publié dimanche dernier, a sans doute plus à gagner qu’à perdre en annonçant une baisse des impôts. "Il est dans une telle situation d’impopularité qu’il a raison de le faire", estime Frédéric Dabi. "En plus, avec  le prélèvement à la source, que les Français approuvent majoritairement, il peut y avoir une sorte de nouveau cap fiscal".

De là à imaginer que le salut du président sortant se trouve dans la question fiscale, il y a plus qu'un pas, il y a un gouffre. "Il ne faut pas croire qu’une annonce de baisse d’impôts va spectaculairement changer une situation d’impopularité qui est historique. D’ailleurs personne n’y croit, et à l’Elysée non plus", conclut Frédéric Dabi.