Ayrault II : les dessous du remaniement

Pour composer sa nouvelle équipe, Jean-Marc Ayrault a dû faire avec des considérations politiciennes et personnelles.
Pour composer sa nouvelle équipe, Jean-Marc Ayrault a dû faire avec des considérations politiciennes et personnelles. © REUTERS
  • Copié
, modifié à
Retour sur les conditions de la nomination de Batho à l’Ecologie et celle des petits nouveaux.

On l’annonçait homéopathique, il ne le fut pas tant que ça. Jeudi soir, Pierre-René Lemas, secrétaire général de l’Elysée, a dévoilé la composition du gouvernement Ayrault, deuxième du nom. Avec comme enseignement principal le changement d’affectation de Delphine Batho, passée du statut de ministre déléguée à la Justice à celui de ministre de plein droit chargé de l’Ecologie. Ce changement doit sans doute beaucoup au fait que l’élue des Deux-Sèvres ne s’est jamais entendue avec sa ministre de tutelle, Christiane Taubira.

Ce changement, surtout, a entraîné un jeu de chaises musicales, qui est venu s’ajouter à l’entrée dans l’équipe de quatre petits nouveaux. Des nominations dictées par des choix très politiques, puisque radicaux et proches de Ségolène Royal ont été bien servis.

Pourquoi si tard ? Attendue pour la fin d’après-midi, l’annonce de la composition du nouveau gouvernement a finalement été très tardive, puisque Pierre-René Lemas ne s’est exprimé depuis le perron de l’Elysée qu’à 20h45 environ. Pourtant, à en croire Le Monde, tout était bouclé en début d’après-midi. Ne restait finalement qu’à joindre Axelle Lemaire pour lui annoncer qu’elle était nommée ministre déléguée aux Français de l’étranger. Sauf que la jeune députée des expatriés d’Europe du Nord a longtemps été injoignable. Ce n’est que sur le plateau du Grand Journal, comme le raconte Le Lab, que François Hollande parviendra à l’avoir au téléphone… pour entendre un refus.

C’est un coup dur. "On n'attendait plus qu'elle pour annoncer le gouvernement", assure un proche de Jean-Marc Ayrault cité par Le Monde. Le président de la République et le Premier ministre se sont alors tournés vers Hélène Conway, jointe en urgence aux alentours de 20h30. Et qui, elle, a accepté le job.

Les chaises musicales. Plus tôt dans la journée, le couple exécutif s’était attaché à régler le cas Delphine Batho. La députée des Deux-Sèvres n’était pas parvenue à trouver sa place auprès de Christiane Taubira à la Justice. "La répartition des tâches est des hommes a notamment posé problème. Je n'ai pas d'attributions précises (...) je me demande pourquoi j'ai été nommée", pestait la ministre déléguée selon Le Canard Enchaîné. Alors Delphine Batho a été exfiltrée de la place Vendôme,  avec une promotion à la clé. Elle récupère en effet avec l’Ecologie l’un des ministères les plus importants du mandat, et devient en outre ministre de plein exercice.

Delphine Batho nommée à l’Ecologie, se posait alors le problème du reclassement de Nicole Bricq. L’ex-sénatrice de Seine-et-Marne a récemment a été critiquée par des ONG après avoir promis la "remise à plat" d'un permis de forage accordé à Shell au large de la Guyane, permis finalement validé par le gouvernement. Elle a donc été déplacée au Commerce extérieur, non pourvu dans le gouvernement précédent. Et elle aura fort à faire, le déficit de la balance commerciale de la France ayant atteint le niveau record de 70 milliards d’euros en 2011.

Des nominations très politiques. Parité oblige, deux des quatre entrants sont des femmes. Mais ce n’est pas le seul critère, loin s’en faut, sur lequel les nouveaux ministres délégués ont été sélectionnés. Il fallait d’abord apporter à Ségolène Royal des raisons de se consoler de sa défaite à La Rochelle face à Olivier Falorni. La nomination de Guillaume Garot, député-maire de Laval et fidèle parmi les fidèles de la présidente de Poitou-Charentes participe de ce dessein. Comme d’ailleurs la promotion de Delphine Batho. Avec en outre les présences de Najat Vallaud-Belkacem ministre des droits des femmes et porte-parole du gouvernement, et Dominique Bertinotti, ministre déléguée à la famille, Ségolène Royal peut s’estimer bien représentée au sein du gouvernement.

Il s’agissait aussi, dans cet Ayrault II, de calmer la grogne des radicaux de gauche. Avec un seul ministre dans la première mouture, le PRG avait grincé des dents. Il a cette fois deux raisons de se réjouir. D’une part, Sylvia Pinel a été promu ministre de plein exercice en charge de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme. D’autre part, Anne-Marie Escoffier, également radicale, devient ministre déléguée à la Décentralisation. "La loyauté et la fidélité des Radicaux de gauche sont reconnues", s’est félicité dans un communiqué Jean-Michel Baylet, président du PRG

Enfin, il faisait bon appartenir au Sénat pour espérer entrer au gouvernement. Anne-Marie Escoffier, élue de l’Aveyron, Hélène Conway, représentante des Français de l’étranger, et Thierry Repentin, sénateur de Savoie, sont tous trois membres de la Chambre haute.  Jusqu’alors, seule Nicole Bricq était élue du Sénat. Matignon a admis auprès du Monde "une volonté de donner un signe à la deuxième chambre de ce pays, qui peut aussi fournir quelques talents", indique-t-on à Matignon. Le gouvernement ne comptait jusqu'ici qu'une seule sénatrice, Nicole Bricq.