Après le revirement de Gibelin, l'opposition demande des explications à l'exécutif

Edouard Philippe 1280
© Eric FEFERBERG / AFP
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Aurélie Herbemont et Romain David , modifié à
Alors que le directeur de l’ordre public à la préfecture de police de Paris est revenu sur ses déclarations, qui mettaient à mal celles de l'Elysée dans l'affaire Benalla, les députés de l'opposition demandent des comptes à l'exécutif.
  • Son revirement marque un nouveau rebondissement dans l'affaire Benalla. Alain Gibelin, directeur de l'ordre public et de la circulation auprès de la préfecture de police, est revenu sur les déclarations qu'il a faites lundi  lors de son audition devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale. Perplexe, l'opposition demande désormais des éclaircissements à l'exécutif. En effet, alors même que le directeur de cabinet d'Emmanuel Macron est entendu par les députés, le Premier ministre Edouard Philippe est, pour la première fois depuis le déclenchement de l'affaire, dans l'hémicycle pour la traditionnelle séance des questions au gouvernement.

Après avoir affirmé qu'Alexandre Benalla avait assisté à des réunions de travail pendant sa période de suspension, du 2 au 18 mai, Alain Gibelin a indiqué dans une missive à Yaël Braun-Pivet, présidente  de la commission d'enquête, avoir mal compris la question qui lui avait été posée par Marine Le Pen, pensant qu'il s'agissait de la période du "1er mai au 18 juillet", au lieu du "1er au 18 mai", selon des informations complémentaires du Figaro et du Parisien. Yaël Braun-Pivet aurait décidé de réentendre Alain Gibelin, souffle L'Opinion. L'Elysée, de son côté, avait démenti les premières déclarations d'Alain Gibelin.

"Chacun vit sous la pression". Marine Le Pen a aussitôt dénoncé un rétropédalage influencé par la présidence. "Chaque audition est précédée d'un serment de dire toute la vérité, rien que la vérité. Je pense que les gens qui viennent sont conscients de l'importance des propos qu'ils vont tenir", a voulu rappeler auprès d'Europe 1 la dirigeante du Rassemblement national. "Pour éviter ce type de difficulté, j'ai eu l'occasion de lui poser deux fois la même question, j'ai obtenu deux fois la même réponse. Evidemment, il n'y a pas loin à penser, compte-tenu des dénégations de l'Elysée et des conséquences que pouvait avoir cette déclaration, qu'il y ait pu avoir des pressions effectuées contre lui", accuse la députée du Pas-de-Calais. "Cela confirme presque ce que nous craignions depuis le début de cette affaire : chacun vit sous la pression. Les structures de la République vivent sur la pression d'une présidence qui, semble-t-il, ne respecte pas les procédures, ne respecte pas les équilibres des pouvoirs", tacle encore la fille de Jean-Marie Le Pen.

La gauche veut élargir l'enquête. Si la majorité a pu pousser un soupir de soulagement, les autres groupes n'ont pas manqué de gloser sur un rétropédalage qu'ils estiment suspect. Les communistes dénoncent ainsi une ingérence de l'Elysée dans les travaux de la commission d'enquête, tandis que le socialiste Luc Carvounas propose d'élargir les investigations de la commission pour mettre fin à ce "renvoi de patate chaude", selon sa formule. "Il n'y a qu'une façon de savoir qui dit la vérité, il faut que la commission d'enquête demande la saisine des mails et des SMS professionnels de monsieur Alexandre Benalla, sur la période du 2 au 18 mai. C'est le seul moyen de savoir s'il avait encore une activité liée à la sécurité et à la préfecture de police", fait-il valoir, également auprès d'Europe 1. Reste à savoir si la commission acceptera de lancer cette procédure.

La droite dépose une motion de censure. Les Républicains ont choisi d'aller plus loin en déposant directement une motion de censure, a annoncé le président du groupe, Christian Jacob. Lors d'un point presse, le député de Seine-et-Marne a vivement critiqué la "fin de non-recevoir" du Premier ministre, invité par les élus à venir s'expliquer sur l'affaire Benalla au titre de l'article 50-1 de la Constitution. Pour pouvoir être déposée, une motion de censure doit réunir 58 signatures, ce qui ne devrait pas poser de problèmes au groupe LR qui réunit 103 membres. Néanmoins, la très large majorité LREM-MoDem rend improbable une éventuelle chute du gouvernement. Edouard Philippe, qui a reconnu devant les députés marcheurs qu'il s'agissait d'une crise médiatique, parlementaire et politique, aura lui l'occasion d'éteindre l'incendie lors de la traditionnelle séance de questions au gouvernement mardi après-midi.