Après la victoire de François Fillon, les centristes se cherchent un centre de gravité

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Dans les rangs de l'UDI, une hypothèse Macron ne fait pas l'unanimité. © ALAIN JOCARD / AFP
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R.Da. , modifié à
La défaite d'Alain Juppé dimanche interroge le ralliement du centre au candidat de la droite pour la présidentielle.

Rien ne s’est passé comme prévu. La très large victoire de François Fillon, dimanche, à la primaire de la droite, contraint la famille centriste à revoir sa position pour 2017. Dans la mesure où l’UDI et le MoDem soutenaient majoritairement Alain Juppé, qui avait fait campagne sur la thématique du rassemblement, l’élimination du maire de Bordeaux rebat les cartes chez les différents courants centristes.

La vigilance de l'UDI. Dès dimanche soir, Jean-Christophe Lagarde, le président de l’UDI, a fait savoir via un communiqué son intention d’engager "une discussion" avec François Fillon. "Je l'avais dit avant le premier tour, avec Nicolas Sarkozy nous avions des incompatibilités, avec François Fillon nous n'avons que des différences", indique-t-il, tout en expliquant vouloir éclaircir certains points du programme de l’ancien Premier ministre : "l'Europe, l'éducation, l'emploi, la Sécurité sociale et l'environnement". Invité lundi de la matinale d’Europe 1, le député-maire de Drancy précise attendre que le "programme présidentiel" du champion de la droite se traduise en "programme législatif commun", c’est-à-dire "en changement concret pour les Français". Mais les discussions pourraient se révéler particulièrement complexes, dans la mesure où le candidat de la droite a déjà adressé une mis en garde dans une interview au Figaro, le 23 novembre : "Amender mon projet, certainement pas ! Je suis candidat pour redresser le pays. Pour cela, il faut un programme puissant." Un avertissement alors envoyé à un autre centriste, François Bayrou.

Le doute Bayrou. L’irruption du maire de Pau dans la campagne de la primaire avait particulièrement agacé les sarkozystes, qui misaient sur une forte mobilisation du cœur de l’électorat de droite. Soutien d’Alain Juppé, François Bayrou avait indiqué qu’il pouvait se lancer dans la course à la présidentielle pour barrer la route à l’ancien chef de l’Etat. L’élimination de ce dernier, puis celle d’Alain Juppé dimanche soir, posent désormais la question de ses intentions. Le candidat malheureux à la présidentielle de 2012 a apparemment été pris de court par le revirement du scrutin la semaine dernière : "Si François Fillon gagne, je mûrirai mon projet", avait-il soufflé à Europe 1, après la surprise du premier tour. Dans un post Facebook, publié juste après la victoire du député de Paris, il continue de s’interroger : "Le projet qui a été annoncé par François Fillon a été au point de rencontre de la droite. La question est de savoir s’il est au point d’équilibre qu’exige l’avenir de notre pays." Il explique vouloir travailler, "dans les semaines qui viennent", sur les sujets qui "n’ont pas été traités", selon lui, par François Fillon : "l’avenir de l’Union européenne, la sauvegarde d’une ambition sociale, la question de l’environnement et du durable, les nouvelles conditions du travail, la situation des jeunes et leur futur". Mais rien de plus sur une éventuelle candidature, qui de toute façon n'obtiendrait pas l'adhésion de l'UDI.

Jean-Christophe Lagarde a en effet écarté la possibilité d’un ralliement de ses troupes à l’hypothétique candidature du fondateur du MoDem. "Je n’ai pas trouvé un seul cadre de l’UDI qui envisage de suivre l’aventure présidentielle de François Bayrou", a-t-il relevé lundi, rappelant que ce dernier est devenu un habitué du scrutin. Après 2002, 2007 et 2012, ce serait la quatrième participation de François Bayrou à une élection présidentielle.

L’appel d’Emmanuel Macron. L’ex-ministre de l’Economie de François Hollande, candidat déclaré à la présidentielle, espère quant à lui capitaliser sur la victoire de François Fillon et les hésitations centristes. Celui qui réduit l’antagonisme gauche/droite à une opposition entre progressistes et conservateurs a invité "François Bayrou, s’il n’est pas à l’aise avec le projet de François Fillon, à [le] rejoindre". Une main tendue qui, pour l’heure, semble avoir peu de chance d’être saisie. En juillet dernier, les deux hommes ont échangé autour d’un repas et le jugement de François Bayrou, rapporté par Le Point, était sans appel : "C'est un hologramme. Peut-être dans quinze ans […] Macron sera prêt, mais pour l'instant il n'y a rien". Mais à l’époque, l’ancien protégé de François Hollande n’était pas encore candidat et Alain Juppé toujours présenté comme le grand favori de la primaire.

À l’inverse, dans les rangs de l’UDI, une partie des cadres n’a pas caché ces derniers mois son intérêt pour le fondateur d’ "En Marche !". Chantal Jouanno, sénatrice de Paris, proposait même de lui donner une carte de membre. "Il y a des choses que j’ai du mal à comprendre chez Emmanuel Macron. Au départ, il dit qu’il n’est ni de droite et ni de gauche. Après, il dit que sa filiation est de gauche. Maintenant, il fait appel à la droite et au centre […] Je ne comprends plus la démarche et, pour tout dire, je n’y crois pas", a nuancé Jean-Christophe Lagarde, au micro de Thomas Sotto. Mais chez les militants, l’engouement ne semble pas être retombé. Dans une tribune intitulée, "Nous, centristes de l’UDI Jeunes, En Marche avec Emmanuel Macron", publiée lundi en milieu de journée sur Facebook, plusieurs dizaines de signataires, jeunes de l’UDI, pointent "un écart entre [leurs] priorités, [leurs] valeurs et ce qui serait le programme présidentiel du candidat des Républicains". Ils appellent "[leur] parti, ses militants, et ses élus à s’engager pleinement dans la construction du programme présidentiel [d’Emmanuel Macron]". Une initiative qui ne correspond ni à une position "officielle",  ni "majoritaire", a aussitôt désamorcé sur Twitter Aurélien Sebton, le président national de l’UDI Jeunes.

Rama Yade, la candidate oubliée. L’ancienne secrétaire d’Etat de Nicolas Sarkozy s’est également rappelée au bon souvenir des centristes dimanche soir. Celle qui a été exclue de l’UDI après son éviction du Parti Radical en 2015, s’est lancée dans la course pour l’Elysée en avril 2016, refusant de participer à une primaire. "Je suis candidate à la seule primaire qui ait du sens dans notre République, le premier tour de l’élection présidentielle", avait-elle alors tweeté. Après la victoire de François Fillon, c’est de nouveau via Twitter qu’elle s’est positionnée en candidate naturelle du centre : "Bravo Lagarde, Bayrou, Hénart pour ce fiasco. Vous l'avez, votre candidat de la droite ET du centre : Fillon ! Je serai donc celle des centristes", a-t-elle écrit. "Comment vouloir exister quand on est déjà plus rien ?", a ironisé Jean-Christophe Lagarde, toujours sur Europe 1.