Affaire Ferrand : la présidentialité d'Emmanuel Macron (déjà) mise à mal

© Damien MEYER / AFP
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Antonin André, chef du service politique d'Europe 1
Le couple exécutif est à l’épreuve de la première crise du quinquennat, avec un premier ministre envoyé en première ligne, et un président qui reste en retrait.

La répartition des rôles est claire et il faut reconnaître que c’est très bien interprété. Emmanuel Macron a installé en quinze jour une présidentialité qui tranche avec ses prédécesseurs ; rareté de la parole, incarnation de la politique étrangère et cadrage de la politique intérieure. Edouard Philippe, inconnu des Français il y a trois semaines, assume et défend les choix du président. Il a réponse à tout, il est fluide, il restaure une forme d’autorité à Matignon qui avait totalement disparu sous les quinquennats précédents.

Restaurer l'esprit de la Cinquième République. Edouard Philippe n’est pas un collaborateur, il faut remonter à  Lionel Jospin, en 1997, pour retrouver cette incarnation de la fonction à Matignon. Avec 20 ans de moins et la modernité en plus, Edouard Philippe conduit la politique du gouvernement conformément à la lettre de la constitution de la Cinquième République dont Emmanuel Macron estime que sa pratique a été dévoyée. Sur la forme c’est assez bluffant.

Un positionnement incompréhensible. Cela suffit-il à convaincre sur l’affaire Ferrand, et le maintien du ministre au gouvernement ? Non. C’est là que la belle mécanique, rutilante, se grippe. "J’ai parfaitement compris et évalué l’agacement des Français face à des usages et des comportements qui ne peuvent plus être tolérés"… Et donc ? Donc, je maintiens Richard Ferrand au gouvernement. Non, Monsieur le Premier ministre, c’est incompréhensible.

Emmanuel Macron a fait de la moralisation, de la fin de l’ancien monde et de ses anciennes pratiques l’axe de sa campagne, la marque de son quinquennat. Il a été intraitable pendant la campagne avec ceux qui ont renié trop tard leur coupable passé et qui voulaient le rejoindre.

Une autorité sur le fil Et que fait-il face au premier cas concret auquel il est confronté une fois président ? Il contourne, il transige, il compose. Au nom, peut-être, de l’amitié ancienne et de l’affection qu'il éprouve à l’endroit de Richard Ferrand. C’est louable mais ça brouille le message politique et ça affaiblit la démonstration de restauration de l’autorité qu’il a entrepris d’installer devant les Français.