À Roanne, la fermeture des usines a bouleversé la carte de l'emploi

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Martin Feneau, édité par R.Da. , modifié à
ÉPISODE 4 - Jusqu'au second tour de la présidentielle, Europe 1 pose ses valises à Roanne, une ville de 35.000 habitants qui a voté comme l’ensemble de la population française au premier tour.
REPORTAGE

À Roanne, comme dans beaucoup de villes en France, les habitants font face à la désindustrialisation. Et pour s’en rendre compte, il suffit de se rendre à la cantine de la zone industrielle. Derrière le buffet des entrées, Nathalie sert des carottes râpées dans des ramequins. Elle travaille là depuis trente ans. Au début, dit-elle, elle servait des milliers d’ouvriers chaque jour : "Quand on avait le coup de bourre, on avait le coup de bourre ! Il fallait avancer. J’étais obligée d’attendre qu’il y ait un peu moins de monde pour pouvoir sortir ravitailler la pâtisserie, aller chercher du pain, etc… Maintenant, on a presque plus personne", déplore-t-elle.

Les plans sociaux à répétition. Un peu plus loin dans la salle, cinq mécaniciens de Nexter, une entreprise qui fabrique du matériel pour l’armée, déjeunent ensemble. Philippe, le plus ancien du groupe, se souvient être entré dans l’entreprise sans diplôme. "Il y avait du boulot et du boulot. Il fallait du personnel, donc même si le gars n’était pas dans la profession, il était embauché. Après, il y a eu les plans sociaux", raconte-t-il. L'entreprise employait 3.200 ouvriers dans les années 1980, contre 800 aujourd’hui.

"Retrouver du boulot c’est impossible". Maxime a travaillé cinq ans en intérim avant de pouvoir signer son contrat. "Quand on écoute les anciens, c’est l’ouvrier qui commandait. Quand on n’était pas bien dans une entreprise, on la quittait et on retrouvait du travail. Tandis que maintenant, si je veux démissionner, retrouver du boulot c’est impossible". À la table d’à côté, deux retraitées se souviennent du temps où l’industrie textile faisait vivre des milliers de Roannais, les cheminées d’usine barrant le paysage. "Il y en a les trois quarts qui ont fermé, c’est dingue !" Et le directeur du restaurant, installé depuis trente ans, s’inquiète lui aussi puisqu'il sert de moins en moins de repas.

Délocaliser pour continuer d'exister. La ville a dû s’adapter, tant bien que mal, à la désindustrialisation. D’abord les entreprises se sont spécialisées, et vendent désormais des produits à forte valeur ajoutée, que ce soit dans l’agroalimentaire ou la mécanique par exemple. Mais surtout, elles sont plus petites qu'avant. Ainsi, le président de l’Union des industries textiles a ouvert sa propre fabrique il y a trente ans, elle existe toujours, mais pour continuer à exister il a fallu licencier, comme il l'explique à Europe 1. "On a délocalisé dans les pays du Maghreb par exemple. Là-bas, on avait des prix plus compétitifs, pas les même coûts, ni le même temps de travail. C’était obligatoire pour survivre", justifie-t-il.

Désormais, ce n’est plus l’industrie mais les services, les centres d’appels notamment, qui fournissent le plus d’emplois : 16.000 à Roanne. Mais le plus gros employeur de la ville reste l’hôpital, avec 23.000 salariés.