Pas de mea culpa pour Macron à la télévision

Emmanuel Macron
Emmanuel Macron a donné plus d'une heure d'interview à TF1 et LCI dimanche soir. © PHILIPPE WOJAZER / POOL / AFP
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Lors de son interview télévisée, dimanche soir, le président n'a pas amorcé le moindre début de mea culpa, que ce soit sur son style présidentiel, parfois jugé méprisant, ou sur ses réformes controversées.
ON DÉCRYPTE

"Il y aura des résistances mais en France, en Europe et à l'international, je continuerai au même rythme et avec la même détermination. C'est cela le mandat que le peuple français m'a donné." L'une des dernières phrases prononcées par Emmanuel Macron dimanche soir, pendant son interview sur TF1 et LCI, en résumait parfaitement la tonalité toute entière. Jamais le président n'a amorcé le moindre recul, reconnu ne serait-ce qu'une petite maladresse. Sur le fond de ses réformes, comme sur la forme de son style présidentiel, le chef de l'État assume tout et a tenu à le faire savoir.

Macron assume le "bordel". La forme, d'abord, a occupé une bonne partie des débats menés par les journalistes Gilles Bouleau, Anne-Claire Coudray et David Pujadas. C'est que la communication d'Emmanuel Macron a été moult fois pointée du doigt ces dernières semaines. Le président qui se targue de ne rien céder aux "fainéants", parle de "ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien", mais aussi de "ceux qui foutent le bordel" a été jugé méprisant, parfois hors-sol par ses détracteurs et une partie des Français.

Le chef de l'État, lui, revendique une forme de spontanéité et de franchise et nie en bloc tout "mépris de classe". "J'assume totalement ce qui a été dit", a-t-il affirmé. "J'ai toujours essayé de dire les choses et de m'approcher d'une forme de vérité. Donc, je nomme. Je l'ai fait à plusieurs reprises, y compris quand j'ai parlé d'"illettrées"", a-t-il rappelé, en allusion à ses propos tenus en automne 2014, alors qu'il était ministre de l'Économie et parlait des salariées de l'entreprise Gad. À l'époque, déjà, cela lui avait été beaucoup reproché.

Double blindage. Emmanuel Macron a préféré donner l'image d'un chef de l'État imperméable et déterminé. "Je suis indifférent à tous les commentaires et les critiques", a-t-il lancé, ce qui semblait pourtant démenti par le fait même qu'il se livre à l'exercice de l'interview de plus d'une heure un dimanche soir.

"Je fais ce que je dis". Sur le fond aussi, le chef de l'État a suivi l'exemple Juppé "droit dans ses bottes". D'abord en asseyant sa légitimité sur son élection et sur l'application à la lettre de son programme. "Je fais ce que je dis", a-t-il ainsi martelé, invoquant notamment les ordonnances visant à réformer le Code du travail. Sur la réforme de l'ISF, transformé en impôt sur la fortune immobilière (IFI), Emmanuel Macron n'a pas bougé d'un iota en expliquant la "philosophie" de cette mesure. Reprenant le terme de "passions tristes", de "jalousie française" à l'égard des plus riches, le chef de l'État a expliqué que taxer le patrimoine plutôt que le capital permettrait d'encourager l'investissement dans l'économie française.

Temps long. Seule concession sur la baisse des APL, annoncée pendant l'été : "cela ne faisait pas partie de mes engagements de campagne", a concédé Emmanuel Macron. "Car c'était une mesure d'urgence." Le président a essayé d'inscrire ses réformes dans le temps long plutôt que de s'attarder sur des ajustements ponctuels pourtant décriés, assurant que les résultats seraient visibles "d'ici un an et demi, deux ans" et refusant de se livrer, comme son prédécesseur, à des promesses sur l'inversion de la courbe du chômage.

Au final, ceux qui attendaient un équilibre entre détermination et nécessité de se montrer à l'écoute n'ont probablement pas été les premiers satisfaits par cette intervention télévisée. Emmanuel Macron a préféré choisir l'inflexibilité. Une réaction mûrement réfléchie, qui doit lui permettre de trancher avec l'art de la synthèse –que d'aucuns qualifieront d'incapacité à décider– de son prédécesseur. Une attitude toujours plus facile à adopter en début de mandat, lorsque la légitimité du suffrage populaire est encore fraîche.